- Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux. (Sermon sur la montagne)
Matthieu 5.3
« Pauvres en esprit » et non pauvres en réalité. Il s’agirait donc d’un état d’esprit. Certains groupes de pensée cathos vont jusqu’à dire qu’il s’agit pour Jésus de nous confronter à notre finitude : la pauvreté n’est que l’insuffisance de notre nature face à l’infini divin, et non une réalité économique. Je pourrais être riche à million et être tout de même pauvre en esprit parce que ma modestie, ma charité seraient celles d’un pauvre authentique, c’est à dire de celui qui a reconnu que la véritable richesse est la grâce accordée par Dieu à l’infime créature que je suis.
… Reste que Luc dit sans détour (rapportant le même sermon de Jésus) : « Heureux vous les pauvres : le royaume de Dieu est à vous » (Luc, 6.20-21). Vous avez bien lu : « vous les pauvres », et de même il enchaîne avec : « vous qui avez faim… vous qui pleurez… vous qui êtes haï… ». Ainsi tout le Sermon sur la montagne a une tonalité consolatrice : ceux qui souffrent effectivement ici bas seront récompensés par Dieu dans l’au-delà.
Matthieu ou Luc ? Je vote Luc : Jésus proclame que les pauvres, les vrais pauvres ont bien de la chance : que ceux qui n'ont pas cette chance prennent modèle sur eux (c'est à dire : qu'ils soient au moins pauvres en esprit...). Ils apprécieront, les pauvres, et je pourrais me laisser aller à écrire des choses bien faciles là-dessus : vous savez que ce n’est pas mon genre.
Mais je constate quelque chose de troublant : l’Eglise s’adresse principalement aux pauvres, et son discours se présente comme un discours de consolation. Donc : d’abord il lui faut des pauvres ; les classes moyennes ne lui conviennent pas (sauf quand un moyen-bourgeois en vient à mourir, mais ça, c’est une autre affaire). En suite, il ne lui faut pas des pauvres revendicateurs, des pauvres révoltés (1). Il lui faut des pauvres qui acceptent humblement leur condition et qui subissent la méchanceté des riches sans même se plaindre, parce qu’ils savent qu’ils font leur paradis dans cette vallée de larmes. Bref : l’Eglise a besoin de pauvres. Sans les pauvres elle s’étiole, son message tombe à plat ; elle n’a plus que les moribonds pour l’écouter. Terrible constatation.
D’ailleurs, que s’est-il passé avec la théologie de la libération ? (2)
(1) Sur la révolte, voir le Message du 16 août
(2) Pour mémoire, la théologie de la libération reprenait le concept marxiste de lutte des classes.
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