La loterie plaît, parce qu'elle tire l'inégalité de l'égalité; l'assurance déplait parce qu'elle fait justement le contraire.
Alain - Propos, 16 juillet 1912
Donc selon Alain, l’égalité, nous ne l’aimons pas tant que ça : nous jouons à la loterie (et autres trucs à gratter) parce que nous espérons bien gagner ce que le voisin aura perdu. Si l’assurance est une charge dont nous aimerions faire l’économie, c’est parce qu’au mieux on peut espérer se retrouver comme notre voisin (avoir un toit sur notre maison au cas où la tempête l’aurait emporté) ; identique donc égal.
En cette période de rentrée scolaire, cette remarque a son importance. Que demandons-nous à l’école ? Qu’elle instaure (ou : restaure) l’égalité des chances. Oui, vous avez bien lu : c’est exactement comme la loterie. Il s’agit non pas de mettre tout le monde définitivement à égalité, mais seulement de faire que chacun aborde avec les mêmes armes la compétition sociale (= chances). L’inégalité est donc parfaitement compatible avec une société démocratique comme la nôtre, à condition qu’elle résulte des différences liées à la nature des individus : comme si le perdant dans le jeu social disait : « je sais que si j’ai perdu, c’est parce que j’ai mal joué ; je sais que si vous avez gagné vous n’avez pas triché. ». Je dirai même qu’à chaque fois que vous construisez une bibliothèque, une école, une faculté, vous ne faites que contribuer à ce jeu : vous donnez à ceux qui peuvent - ou qui veulent - en profiter. Les autres, ils n’auront rien, parce qu’ils n’entrent pas dans le cadre.
Seulement voilà, tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. Il y en a pour dire : ce n’est pas juste que certains soient dans l’opulence alors que d’autres n’ont même pas de quoi se loger : aucun individu ne peut porter la responsabilité d’une telle déchéance. Lorsqu’un SDF meurt de froid dans la rue en hiver, on ne peut pas se contenter de dire qu’il en est responsable, qu’il a gâché ses chances, qu’il n’a pas bien travaillé à l’école et qu’il n’a sûrement pas fait tous les stages que l’ANPE n’a manqué de lui proposer.
Pas d’accord ? Va te plaindre à l’Abbé Pierre.
No comments:
Post a Comment