Lorsque nous passons à table, c'est un mythe de plusieurs siècles que nous trouvons dans nos assiettes.
Boris Cyrulnik - L'Ensorcellement du monde
Hallal, casher, ramadan, carême… Le contrôle et l’interdit - pour ne pas dire le tabou - hantent nos tables et nos assiettes. Rien de plus simple que de manger : c’est aussi simple que de respirer. Et pourtant, non : ça devient très compliqué dès que les religions s’en mêlent ; et elles s’en mêlent toujours. Demandez à un musulman, à un juif, à un chrétien pour quoi il s’abstient de manger du porc, ou un animal abattu de façon non rituelle, ou de la viande le vendredi, etc.. Il vous dira que c’est un décret de Dieu, ou bien, s’il est en même temps rationaliste, il vous dira que des prescriptions d’hygiène alimentaire en sont l’origine ; ou encore s’il s’est un peu cultivé il répondra que c’est le symbole qui est important ici : par exemple le vendredi jour de la mort du Christ, on ne mange pas de viande pour témoigner du respect au « verbe qui s’est fait chair ». Enfin, tous vous diront que le jeûne est un effort de purification de l’âme par l’affaiblissement du corps.
Toutefois, je ne pense pas que Cyrulnik insiste suffisamment sur l’essentiel.
Parce qu’enfin, pourquoi y a-t-il du mythe dans nos assiettes ? Pour la même raison qu’il y en a dans notre lit quand nous retrouvons notre bonne amie, ou quand nous observons des règles d’hygiènes dans des circonstances que je ne nommerai pas. Rien n’est strictement naturel chez l’homme ; pas même le fait de respirer (1). Voilà la leçons des mythes : l’homme participe de l’ordre du monde, et celui-ci est fragile, la moindre impureté suffirait à le détruire ; il faut donc que tout ce que fait l’homme soit contrôlé, que rien ne soit laissé au hasard pour que la vie de l’humanité ne soit pas menacée. Le mythe prend naissance lorsque l’on commence à croire que tout a un sens, même un éternuement (2) ; c’est alors que tout doit être soumis à interdit, à commencer par le fait de manger. Le ramadan, évidemment, vient de loin, il participe de ce fonds mythique
Alors, la diététique moderne : un mythe de plus ?
(1) Les yogis inspirent par une narine et expirent par l’autre parce que, selon eux, l’air fait alors un circuit spécial et bénéfique dans les corps.
(2) On a considéré l’éternuement comme surnaturel. Par exemple il était présage bénéfique chez les Grecs (et même chez nous : « A vos souhait ! »)
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