- Comment il se fait que ce n'est qu'en cherchant les mots qu'on trouve les pensées.
Joseph Joubert - Carnets (28 février 1799)
- Si étrange que cela soit, nous sommes dominés par la nécessité de parler sans savoir ce que nous allons dire
Alain - Les idées et les âges
Si vous cherchez comment tirer parti des citations, en voici une : articulez-les pour en faire un tout (et non un catalogue).
1ère étape : pour trouver des pensées, commencez par chercher les mots pour les dire.
- Oui, mais comment les chercher si précisément les idées on ne les a pas ?
Selon Joubert, c’est un fait avéré, même si on ne se l’explique pas.
Il faut aller chercher Merleau-Ponty pour commencer à y voir plus clair. L’expression dit-il en substance est un va et vient entre l’intention de dire et ce qu’on dit effectivement. Ce que l’on connaît, c’est le décalage entre cette intention encore confuse et ce qu’on dit effectivement. C’est ce décalage qui nous révèle le contenu effectif de notre pensée. C’est aussi ce qui explique que la pensée soit fécondée par le langage – tant par la langue que par la culture.
2ème étape : parlez sans savoir ce que vous avez à dire, car si vous attendez de savoir ce que vous allez dire pour le dire, vous ne parlerez jamais.
Mais comment se fait-il que les uns disent des choses intéressantes, et les autres ne font que répéter ce qu’on a ressassé mille fois ? C’est précisément en répétant toujours les mêmes chose, les mêmes idées, les mêmes mots, qu’on parle sans penser, et donc « sans savoir ce qu’on dit »
C’est ce que dit Alain, et je ne crois pas pouvoir faire mieux que de vous donner son texte (Annexe).
Même si vous n’en lisez que les premiers mots, vous y découvrirez que la langue est un instrument – et pas un outil.
C’est déjà ça.
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« La langue est un instrument à penser. Les esprits que nous appelons paresseux, somnolents, inertes, sont vraisemblablement surtout incultes, et en se sens qu'ils n'ont qu'un petit nombre de mots et d'expressions ; et c'est un trait de vulgarité bien frappant que l'emploi d'un mot à tout faire. Cette pauvreté est encore bien riche, comme les bavardages et les querelles le font voir : toutefois la précipitation du débit et le retour des mêmes mots montrent bien que le mécanisme n'est nullement dominé. L'expression "ne pas savoir ce qu'on dit" prend alors tout son sens. On observera ce bavardage dans tous les genres d'ivresse et de délire. Et je ne crois même point qu'il arrive à un homme de déraisonner par d'autres causes ; l'emportement dans le discours fait de la folie avec des lieux communs. Aussi est-il vrai que le premier éclair de pensée, en tout homme et en tout enfant, est de trouver un sens à ce qu'il dit.
Si étrange que cela soit, nous sommes dominés par la nécessité de parler sans savoir ce que nous allons dire ; et cet état sibyllin est originaire en chacun ; l'enfant parle naturellement avant de penser, et il est compris des autres bien avant qu'il se comprenne lui-même. Penser c'est donc parler à soi. » Alain - Les idées et les âges
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