Ce sont les paroles les moins tapageuses qui suscitent la tempête et les pensées qui mènent le monde viennent sur des pattes de colombe.
Nietzsche – Le gai savoir
Les colombes ii
Et revoici nos charmantes colombes, toujours symbole, toujours positif.
La patte de la colombe, symbole de paix est devenu, sous la plume de Nietzsche symbole de légèreté – voire même de fragilité.
Laissons de côté la surdétermination sémantique de la colombe, en n’en finirait pas d’énumérer tous les sens qu’elle a pu prendre. Remarquons tout de même que les pattes de colombes sont moins repoussantes à évoquer que celles de la mouche.
Attachons-nous plutôt au sens de cette citation. Pensons ici aux déclarations ronflantes des politiques. Bien sûr ce sont peut être des vociférations haineuses et postillonneuses comme celles de Hitler.
Mais ce sont peut-être aussi les discours définitifs sur la volonté de paix, sur les réformes économiques, sur la justice sociale. Nietzsche nous dit : méfiez-vous de toutes ces paroles tapageuses – ce sont les plus insignifiantes. C’est dans le minuscule et l’à peine audible que se trouve le plus signifiant.
On a l’habitude d’opposer les paroles aux actes. C’est même une banalité, que nos syndicalistes nous rappellent à chaque négociation.
On compare aussi habituellement les paroles à du vent – flatus vocis. Un peu d’air remué par nos lèvres, ce n’est rien de plus.
On oppose à ça les énoncés performatifs dont on a eu déjà l’occasion de parler – on n’y reviendra pas. (1)
La nouveauté ici, tient dans ce que la parole n’est sincère que quand elle n’a pas la prétention de remplacer les actes, et qu’elle n’est efficace que si elle agit en dehors de toute prétention à avoir une valeur de représentation.
A notre époque où les Grands Communicants sont devenus les Conseillers du Prince – sinon le Prince lui-même, il serait bon de ne pas oublier les pattes de la colombe.
(1) Sur les performatifs et aussi sur la puissance du murmure, voir ici.
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