Toutes les dettes reçoivent quelque compensation, mais seul l'amour peut payer l'amour.
Fernando de Rojas (1465-1541) – La Célestine
Laissons pour un moment de côté l’économie et son cortège de chiffres vertigineux. Pensons la dette non plus en terme de taux d’intérêts et de cotation Fitch, mais plutôt en terme d’amour.
Ah… L’amour ! Pure générosité, don total de soi, ouverture sans limite à l’autre, océan de tendresse, élan mystique…
Stop !!! Un instant s’il vous plait. L’amour c’est aussi ce qui exige une compensation. Donner oui, mais donner à qui nous donne. L’amoureux sous le balcon de sa Dulcinée, il chante ses élans avec sa guitare, mais il n’attend surtout l’échelle de soie pour monter demander son dû.
Il faut aussi payer l'amour. On est un peu choqué par une telle déclaration. Faut-il donc que l’amour pour se développer soit soutenu par un intérêt égoïste ? L’amour serait il vénal ? Ou bien simplement pure jouissance ? Roméo, s’il monte au balcon, est-ce uniquement pour faire crac-crac avec Juliette ?
Rassurons-nous, il n’en est rien : seul l'amour peut payer l'amour. L’amour demande certes une compensation, mais aussi il exige aussi que celle-ci soit d’amour. De toutes les dettes, la dette d’amour est la seule qui se paie avec la monnaie même qui a servi à la contracter. Je te donne exactement ce que je souhaite recevoir de toi.
Oui, mais si je te donne 10 euros, pour que tu me donnes en échange 10 euros, c’est complètement idiot. Mais ce qui serait absurde en terme de transaction économique sert précisément de fondement à l’amour. Et comme le dit notre auteur, c’est à cela justement que l’amour se reconnaît.
Voilà. Reste un problème, c’est que comme le chante Carmen, l’amour n’a jamais connu de lois. Pas même celle de l’échange.
C’est que l’échange n’est pas approprié à cette situation. L’amour est l’occasion non d’un échange, mais d’une réciprocité. Je m’échange pas mon amour contre de l’amour, mais celle que j’aime est telle qu’elle ne peut que m’aimer.
Sinon ? Sinon elle cesse d’être ce qu’elle doit être et on change d’opéra. Nous voici chez Verdi, avec Othello.
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