La religion fait partie de la culture, non comme dogme, ni même comme croyance, mais comme cri.
Maurice Merleau-Ponty – Sens et non sens
Que la religion soit l’expression d’une souffrance, ce n’est pas une idée nouvelle. Marx en avait dit autant (voir ceci), même si pour lui elle était plus un soupir qu’un cri. Après tout c’est une affaire de degré.
Par contre, là où Marx voit un effet d’idéologie, qui cantonne la religion au domaine des superstructures soumises aux impératif de l’économie, Merleau-Ponty voit une élément constitutif de la culture. Et ce n’est pas une mince différence.
Si la religion est une idéologie, elle n’a pas d’autonomie ; lorsque les infrastructures changent, les superstructures idéologiques changent également. Pour dire les choses plus simplement, la religion disparaîtra spontanément – comme l’Etat – quand l’ordre communiste aura mis en place la société sans classe. La religion n’ayant d’autre utilité que de consoler l’homme de ses misères terrestres, elle disparaîtra avec l’exploitation de l’homme – comme n’ayant plus de raison d’être.
Merleau-Ponty semble bien avoir ici une autre approche : comme élément culturel, la religion est constitutive de l’humanité. Il peut y avoir différentes religions comme il y a différentes cultures. Mais il ne peut y avoir de cultures sans religions. Quand les portugais ont découvert ce qui allait être le Brésil ils ont été bien étonnés : les indiens Tupis n’avaient selon eux pas de religion, c'est-à-dire par d’églises, par de rites pas de prêtres. Mais les récits des voyageurs de l’époque montrent bien que ce qu’ils n’avaient pas perçu, c’étaient les formes originales prises dans ces cultures indigènes par la religion.
Pour en revenir à la déclaration de Marx, on se rappelle que Staline, irrité que le peuple préfère l’opium de la religion à l’avenir radieux qui lui était promis, a fait fermer les églises.
Mais je crois qu’il avait été comme Marx un peu abusé par son optimisme révolutionnaire : car même dans la société sans classe les hommes continueront à mourir, et ils continueront à préférer l’immortalité.
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