Monday, April 05, 2010

Citation du 6 avril 2010

…en des circonstances simples il est avantageux de parler franc : je veux ceci, j'ai fait ceci, et ainsi de suite ; donc … la voie de la contrainte et de l'autorité est plus sûre que celle de la ruse.

…un enfant … se sert tout aussi naturellement du mensonge et dit involontairement toujours ce qui répond à son intérêt : un sens de la vérité, une répugnance au mensonge en soi, lui sont tout à fait étrangers et inaccessibles, et il ment en toute innocence.

Nietzsche – Humain, trop humain. (1)

Pour Nietzsche, dire la vérité ou mentir est un choix qui est commandé par l’intérêt et non par le devoir. C’est la réussite dans la réalité qui valide ou invalide l’usage non seulement du mensonge – mais aussi de la vérité. On n’est pas loin du « pragmatisme » dont nos politiques font aujourd’hui un usage unanime.

Mais si vous lisez attentivement le texte de Nietzsche (en annexe), vous constatez qu’il poursuit l’analyse un peu au-delà. Au lieu de se contenter de dire (comme on le fait aujourd’hui) : il faut s’adapter au réel, parce que ce n’est pas le réel qui va s’adapter à nous, il nous suggère de nous demander : qu’est ce qu’on attend de la vérité – ou du mensonge ? Qu’est-ce que c’est que cet intérêt qu’on cherche à atteindre ? Et alors, on le voit dans l’exemple de l’enfant coincé dans des circonstances domestiques compliquées : c’est dans les besoins quotidiens de l’individu lui-même, dans ce que son égoïsme ordinaire lui commande, que se trouve la réponse.

La question est alors déplacée : il ne s’agit plus du tout de savoir si ce qu’on me dit est la vérité ou un mensonge, mais bien : quel intérêt poursuit-on en me disant ce qu’on me dit. Qu’importe qu’on me flatte honteusement ou qu’on soit sincère en me disant que je suis le plus beau, le plus intelligent etc…Que mon interlocuteur soit un vulgaire flatteur ou une admirateur sincère, ce qui importe c’est de se dire qu’au bout du compte, c’est son intérêt qu’il vise, c’est la satisfaction de son désir, de son besoin.

Et si nous oublions cette précaution, c’est parce que nous désirons – nous aussi – satisfaire notre ego…


(1) J’ai honteusement charcuté ce texte. Le voici sans coupures :

« Le mensonge. - Pourquoi la plupart du temps les hommes, dans la vie de tous les jours, disent-ils la vérité ? - Assurément ce n'est pas parce qu'un dieu a défendu le mensonge. Mais c'est premièrement parce que cela est plus aisé, le mensonge exigeant invention, dissimulation et mémoire. (Voilà pourquoi Swift dit : celui qui énonce un mensonge se rend rarement compte du lourd fardeau qu'il s'impose ; il lui faut en effet, pour soutenir un mensonge, en inventer vingt autres.) C'est ensuite : parce qu'en des circonstances simples il est avantageux de parler franc : je veux ceci, j'ai fait ceci, et ainsi de suite ; donc parce que la voie de la contrainte et de l'autorité est plus sûre que celle de la ruse. - Mais pour peu qu'un enfant ait été élevé dans des circonstances domestiques compliquées, il se sert tout aussi naturellement du mensonge et dit involontairement toujours ce qui répond à son intérêt : un sens de la vérité, une répugnance au mensonge en soi, lui sont tout à fait étrangers et inaccessibles, et il ment en toute innocence. »

No comments: