Il n'y a que les ouvriers qui sachent le prix du temps ; ils
se le font toujours payer.
Voltaire
L'employeur met son argent dans les affaires et l'ouvrier
y met sa vie. Le second a tout autant le droit que le premier de diriger ces
affaires.
Clarence Darrow (1857 – 1938) – The railroad
trainman (1)
Commentaire I
Candeur ou cynisme?
Terrible rapprochement de ces deux citations : car,
si le temps de l’ouvrier a un prix, il est aussi le temps de sa vie. Et si le
prix de l’heure de travail, de l’ouvrier à son patron, passe du simple au centuple,
la durée de leur vie reste la même (et encore, celle de l’ouvrier est sans
doute plus courte que celle du patron).
Ainsi, quand on dit que le salaire du PDG équivaut à 100
fois celui de son ouvrier payé au SMIC, on pense aussitôt : « cela ne
veut pas dire que ce dernier va vivre 100 fois plus longtemps que lui. »
Je ne trouve plus personne aujourd’hui pour dire comme
Marx que ce que le travailleur met dans son travail, c’est sa vie. Que sorti du
travail, il ne lui en reste plus que des miettes. En bref, qu’on devrait
dire : « Tantôt je travaille ; tantôt je vis ». Combien
vaut une heure de ma vie ? Sans doute une fraction de sa durée. Oublions
un instant que nous ne connaissons pas cette durée, sauf par probabilité
statistique – il reste qu’à l’aune de nos salaires, la vie de l’un vaut
moins que la vie de l’autre. Et qu’on ne vienne pas nous dire que cette
« marchandisation » de la vie est une dérive matérialiste et
qu’il faut s’en tenir à sa valeur spirituelle : pour Dieu, l’âme d’un
maçon vaut autant que celle de Bill Gates.
- OK Bill : puisque c’est comme ça on va échanger
nos vies – Tu veux bien ?
A ce niveau la candeur est du côté de l’ouvrier qui se
déclare satisfait de sa place dans la société. Et le cynisme du côté de son
patron.
A suivre.
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(1) Clarence Darrow est resté célèbre en tant qu’avocat
pour avoir plaidé en faveur des accusés dans le « procès du singe ». Ceux qui ne savent pas de quoi il s’agit
peuvent se reporter ici. C’est très édifiant…
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