On croit avoir les moyens de le maitriser tout à fait [=
le corps], et il est devenu objet de culte. Jeu de vases communicants :
les possibilités de progrès spirituels semblent quant à elles au contraire
dédaignées.
H. Genet – D.
Martz : La lumière noire du suicide. p. 90
Hier, on soulignait ici même que les stoïciens appelaient
à la maitrise spirituelle de soi : nos sentiments, nos passions, doivent
être soumis à notre raison.
Ainsi, notre liberté consiste à choisir notre attitude
face à ce que le monde nous impose, que ce soit comme gloire ou comme
défaite : « On m’a donné la gloire – à présent on me la
retire. Cette défaite m’est imposée, je n’y suis pour rien: rien ne peut
m’obliger à considérer que cela me concerne. » (1)
Les stoïciens ne sont plus d’actualité et cela depuis
bien longtemps. Mais alors que durant de long siècles on leur a substitué une
éthique chrétienne de la mortification rédemptrice, voici qu’aujourd’hui – époque
de compétition et de consommation – c’est notre corps qui devient le seul objet
à contrôler et à maitriser. Le souci de
soi comme disait Foucauld, lié à la connaissance intime de notre
physiologie et des standards modernes de la santé et du bien-être a envahi
notre quotidien au point que notre seule ascèse, c’est de tâcher :
- à bien
vider nos intestins à bien remplir nos
estomacs (sans risquer ni l’anorexie ni l’obésité),
- à avoir
une peau bien bronzée (sans risquer le cancer), etc…
- à
avoir les formes nécessaires (muscles pour les messieurs, seins et fesses pour
les dames).
Nous autres, les moralistes imperturbables du 21ème
siècle, nous en rions. Soit. Mais nous devrions nous en étonner un peu aussi.
S’agit-il comme le disent nos auteurs du jour d’un
mouvement de bascule ? Ne peut-on maitriser le corps sans renoncer en même
temps à la maitrise de l’esprit – alors même qu’on s’obstine à considérer que
c’est celle-ci seulement qui mérite d’être nommée « maitrise de
soi » ?
(A suivre)
---------------------------------------
(1) Mais aussi : ma femme (mon fils, mon ami etc.)
meurt – dois-je m’en désoler, alors que je sais qu’elle n’était pas immortelle ?
2 comments:
J'ai quand le même le sentiment que cette séparation corps et esprit est très occidentale non ?!
C'est quand même mme fait de toutes les religions.
Notre originalité c'est de sire que le corps compte plus que l'âme.
Post a Comment