L'intention fait la culpabilité et le délit
Aristote – Rhétorique
Le coupable est celui à qui le crime profite.
Sénèque – Médée, 500-501
1 – Suffit-il de vouloir, dans l’intimité de son cœur, que tel homme meure
pour en être coupable ? C’est ici l’occasion de distinguer entre le crime,
tel que défini par le droit pénal, et le péché condamné par la religion.
L’intention suffit à définir celui-ci ; l’action est nécessaire pour
engager celui-là.Maintenant, si l’acte réalisé est nécessaire pour prouver qu’il y ait eu crime, il reste que cette condition n’est pas tout à fait suffisante. Tuer une personne accidentellement au volant de sa voiture, si l’on n’a pas commis d’imprudence, ni omis de réparer les freins ou de vérifier la qualité des pneus, ce n’est qu’un accident dont je ne suis pas coupable – surtout si la faute en incombe à la victime. Par contre si on a omis de telles précautions et qu’elles soient à l’origine de l’accident, c’est déjà plus grave. Homicide involontaire, mais homicide quand même.
2 – Le crime peut-il, comme le dit Sénèque, profiter à quelqu’un ? J’ai l’intention de tuer ma femme qui m’a abominablement cocufié avec mon meilleur ami. Pour cela je vais saboter les freins de sa voiture alors qu’elle part pour une étape de montagne avec des descentes vertigineuses au-dessus des précipices…
Je serai vengé, telle est bien la raison d’être de mon crime, et tel sera mon profit. Mais en même temps je serai au désespoir d’avoir perdu la compagne de ma vie, celle à qui je devais le bonheur de chacun de mes matins… Condamnez-moi, monsieur le Juge ! Condamnez-moi parce que je le mérite… Mais votre sentence ne sera jamais aussi sévère que le malheur que je me suis infligé à moi-même.
Bref : si le coupable est celui à qui le crime profite, alors le criminel que je suis est plus victime que coupable.
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