L'employeur met son argent dans les affaires et l'ouvrier
y met sa vie. Le second a tout autant le droit que le premier de diriger ces
affaires.
Clarence Darrow (1857 – 1938) – The railroad
trainman
Commentaire II
Il n’y a plus de révolutionnaires ni d’utopistes pour
exiger que les travailleurs prennent la direction de leur entreprise. Plus de
communistes collectivistes, plus d’autogestionnaires, plus d’anarchistes
communautaires.
En revanche on trouve des collectifs d’ouvriers qui
demandent à jeter un coup d’œil sur les comptes de l’entreprise juste avant
d’être jetés à la rue, pour vérifier que le plan social soit équitable. Eux au
moins ils ne risquent pas de jeter à bas
l’ordre capitaliste.
Pourquoi cette passivité ? Je tente une réponse qui
ne va pas non plus ébranler les murs des palais : parce qu’on n’a plus de
doctrine de la légitimité de la propriété.
La question est : « Qu’est-ce qui fonde le droit de diriger une entreprise ? ».
- La compétence ? Oui, bien sûr, mais la compétence
ne donne pas des droits sur l’entreprise, c’est simplement un moyen de gestion,
et elle est au service du propriétaire ou des actionnaires, seuls légitimes
pour dire ce qu’on doit faire – et qui peut le faire.
- Disons donc que, comme n’importe quoi, l’entreprise
appartient à celui qui l’a payée, et que du coup le propriétaire légitime de
l’usine est bien en droit de la « gérer » comme il veut, y compris de
la mettre à la casse – et donc de liquider les ouvriers qui y travaillent.
Or, voici Clarence Darrow (1) qui nous explique que l’existence
l’entreprise dépend aussi d’un autre investissement que celui de l’argent des
actionnaires : c’est celui de la vie que les ouvriers mettent dedans en y
travaillant, ce qui résulte de l’identification de la vie et du travail, tel
que nous l’avons rappelé hier à la suite de Marx.
Observons donc, avec Clarence Darrow, que l’argent n’est
pas tout, ne peut pas tout, et que le travail humain est et reste la source de
la richesse de l’entreprise.
Si on en doutait, on pourrait poser cette question aux
actionnaires : d’où viennent vos profits ?
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(1) Avocat américain qui a sans doute été considéré par
ses compatriotes comme un dangereux socialiste. Voir ici.
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