Ce n’est pas simplement qu’il n’y avait aucun bruit. Ce
silence semblait dire quelque chose sur lui-même.
Haruki Murakawa – 1Q84 (Ed. 10/18, t.1, p. 213)
Par contre ce qui est mis en cause ici, c’est la valeur sémiotique du silence. Ou si on veut
éviter ce mot un peu intimidant, il s’agit de savoir non pas ce que le silence
veut dire, mais comment il se constitue comme signe. Car dire que le silence
n’est pas seulement un
« blanc » qui sépare deux sons ou deux paroles, mais encore qu’il véhicule une signification
spécifique, c’est dire qu’il a été transformé en signe.
Or, il n’y a signe que pour celui qui sait que ce dernier
existe. Exemple : les Chouans avaient pour signe de ralliement durant
leurs sorties nocturnes le cri de la chouette. Pour qui n’était pas informé du complot,
ce cri passait pour être celui de l’animal. Pour ceux qui étaient initiés,
c’était bel et bien le signe de l’appartenance à la conjuration.
Le silence est donc un signe (muet) quand il nous fait songer à quelque chose d’autre qu’il signifie par son existence ; un peu
comme le silence subit des animaux de la forêt nous donne à penser que l’orage arrive.
Mais avant de signifier quelque chose, il faut d’abord
qu’il attire notre attention sur lui-même : « Attention semble-t-il
nous dire : je ne suis pas simplement un intervalle vide entre deux
sons ; il faut m’entendre comme accompagnant quelque chose qui manifeste
sa présence à travers moi. »
Nous voilà renvoyé à la polémique sur les signes
« ostensibles » d’appartenance religieuse. Comment savoir que le
foulard islamique est précisément un signe plutôt qu’un simple objet – comme un
vêtement pour se protéger du froid ?
La circulaire ministérielle (cf.ci-dessous) sur les signes ostensibles bannis de l’école et de la fonction publique, dit
qu'un signe est ostensible quand il se donne immédiatement
à reconnaître comme impliquant une appartenance religieuse.
C’est un signe à double effet :
- premièrement
il dit « Attention, je suis signe » ;
- puis –
dans le même temps – il dit « je suis signe d’appartenance à la
religion musulmane – ou juive, ou chrétienne, etc… »
Quand bien même je ne saurais rien du tout des religions,
cette circulaire suppose qu’en voyant ce signe je devinerai qu’il est de nature
religieuse.
Ainsi du silence qui semblait
dire quelque chose sur lui-même.
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Annexe - Circulaire du 22-5-2004 (extrait) :
« La loi interdit les signes et les tenues qui
manifestent ostensiblement une appartenance religieuse.
Les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le
port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance
religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne,
la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive. » (A lire ici)
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