Tuesday, February 19, 2013

Citation du 20 février 2013



La mort est l'espérance de qui n'en a plus. 
Adolphe Thiers
"Ô toi qui entres ici abandonne tout espoir !"
Dante - La divine comédie – L’Enfer. (Cité le 3/3/2006)
Monsieur de Lapalisse, un quart d’heure avant sa mort était encore en vie : et qu’est-ce qu’il a fait de ce quart d’heure ? Il s’est réjoui d’avoir encore un espoir : celui de mourir bientôt…
On quitte une lapalissade pour tomber dans une autre. Et encore celle-ci n’est-elle pas gaie.
Pas gaie ? Peut-être – mais optimiste quand même : ne plus avoir aucun espoir c’est réservé à celui qui est passé de l’autre côté de la frontière qui nous sépare du pays de la mort, et qui chemine vers les portes de l’enfer – portes sur lesquelles se trouve gravée  la sentence de Dante : Toi qui entres ici abandonne tout espoir
--> Pour endurer les souffrances présentes suffit-il donc, comme le pensait Epicure, de réaliser qu’elles sont promises à cesser dans la mort – dans un petit moment (1) ? On peut en douter : « Bof… dira le condamné à mort. La belle affaire ! Quelle belle espérance que la mort ! Mourir bientôt ? Mais c’est justement cela qui me désespère ! Moi je dis, comme madame Du Barry au pied de l’échafaud : « De grâce, monsieur le bourreau, encore un petit moment. » (Voir ici)
- Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’espoir est attaché à l’existence d’un avenir. Oh, pas forcément d’un grand ni d’un bel avenir. Simplement que l’instant présent soit ouvert sur un instant suivant, mais non pas de façon « mécanique » comme avec le compte à rebours qui va déclencher le couperet de la guillotine ; il suffit que l’instant présent bascule sous l’impulsion de ma liberté.
L’espérance est l’effet de la liberté, quand bien même celle-ci serait limitée au fait de choisir de mourir quand rien d’autre n’est plus possible.
Toutefois, choisir dans ce cas, ce n’est pas nécessairement choisir de mourir plutôt que de vivre, puisqu’on suppose que le cas est déjà tranché. S’agirait-il alors de mourir comme ci ou comme ça : en héros ou en lâche ?
Pas sûr non plus : si je suis lâche comme Garcin dans Huis-clos, je n’ai même pas ce choix à faire : la lâcheté, c’est ma nature, c’est mon essence – je n’y puis rien. (2)
Alors, c’est vers les Stoïciens qu’il faut se tourner : la liberté disent-ils c’est de consentir au sort qui m’est fait. Encore faut-il bien entendre l’expression « consentir » : ça veut simplement dire ne pas s’émouvoir, ni se révolter. Ce qu’il faut, c’est comprendre que ça ne dépend pas de nous, que ça n’a rien à voir avec nous. Il ne s’agit donc pas d’aimer ce qui nous arrive, mais simplement de ne pas nous en troubler ni de nous en désespérer. Et cela c’est déjà une manifestation de notre liberté, puisque ça suppose qu’on fasse effort pour abandonner une attitude spontanée de révolte et de désespoir.
L’espérance pour qui n’a plus d’espoir, c’est d’avoir encore ce tout petit degré de liberté.
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(1) Tel était rappelons-nous, l’un des remèdes d'Épicure.
(2) Pour ceux qui objecteraient que Sartre a affirmé que l’homme n’a pas d’essence, et qu’il se réalise librement durant son existence, je rappellerai que justement Garcin s’est constitué en lâche par ses actes de lâche (c’est un déserteur et en plus au moment d’être fusillé il s’est comporté lamentablement). Ce n’est donc pas qu’il n’y ait pas d’essence, mais simplement qu’elle s’est créée au cours de l’existence.

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