L’incrédule –
On lui donna de bonnes raisons. Il ne crut pas. On lui prouva par A+B. Il ne
crut pas. Enfin, on lui montra la vérité toute nue. Je vois bien que c’est la
vérité, dit-il, mais je n’y crois pas.
Norge – Les cerveaux
brûlés
Saint Thomas ne croyait que ce qu’il voyait. L’incrédule
de Norge, quant à lui, ne croit même pas ce qu’il voit.
On dira que cet incrédule est de mauvaise foi : il
refuse l’évidence et il préfère s’enfermer dans la dénégation. C’est une obstination
stupide ! Il n’y a rien à tirer de cette attitude.
Pourtant en y réfléchissant mieux, on peut se dire que
c’est finalement assez logique.
En effet la vérité et la croyance ne reposent pas sur les
mêmes mécanismes : alors que la recherche de la vérité suppose une volonté
de rencontrer la réalité et de la voir « toute nue », la croyance
fonctionne sur des désirs qu’elle vient satisfaire. Alors que la vérité suppose
qu’on se heurte à la réalité, la croyance va l’exclure dans la mesure où cela
serait contradictoire avec le plaisir : nous avons besoin d’en protéger la
possibilité.
On dira bien sûr que la vérité une fois connue – et
reconnue – il n’y a plus de croyance qui tienne : la preuve est faite, et
l’aveuglement est alors impossible. Mais c’est oublier que le désir est
justement lié à une autre logique : comme le disait Octave Mannoni, le
désir consiste à dire : « Je
sais bien, mais quand même… » Oui, je sais bien que c’est faux. Mais
quand même j’y crois, parce que c’est là la force du désir. C’est ce que Freud
appelle le déni de réalité. (1)
Ce déni régle certains rapports entre les adultes et les
enfants. Mannoni montre comment les indiens Hopis bernent les enfants avec les
masques de Katcina (voir ici). On en conclut que les adultes ont besoin de
tromper les enfants, un peu comme nous le faisons avec le Père Noël.
… Mais à trompeur, trompeur et demi : les enfants
aussi bernent les adultes et font mine de croire à leur mystification dans la
mesure seulement où ils y trouvent leur avantage. En tout cas c’est évident
avec le cas du Père Noël.
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(1) En fait ce déni freudien porte sur la différence des
sexes voir ici
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