Notre liberté se bâtit sur ce qu’autrui ignore de nos
existences.
Soljenitsyne
(1918-2008)
Intimité II
--> Pour vivre libres, vivons cachés.
On peut croire Soljenitsyne quand il nous parle des
conditions de la liberté – principalement des conditions minimales de la liberté. Le régime soviétique avait une nuée
d’espions pour l’informer ce qui se passait dans les usines, dans les
quartiers, dans les maisons et derrière leurs murs. Pour contraindre les citoyens
à suivre les prescriptions du pouvoir il fallait tout connaitre d’eux afin
d’éteindre le moindre projet individuel – car la sédition commençait là. Dans
ces conditions, être libre suppose d’abord avoir un domaine privé sur lequel la
contrainte du pouvoir ne pourrait pas s’exercer.
Si nous voulons prendre au sérieux l’avertissement de
Soljenitsyne, nous devrons estimer que nous, qui vivons aujourd’hui dans des
démocraties libérales, nous devons néanmoins considérer que le secret est la
condition de notre liberté : car ce pouvoir de contrainte existe toujours,
et seul le secret permet à la liberté de prendre son essor.
Il semble que cette condition de la liberté n’ait pas
tellement intéressé les philosophes. Plus que la connaissance des projets, ils ont
plutôt souligné l'importance de la limitation du pouvoir de contrainte des gouvernants :
c’est qu’on considère ce pouvoir comme étant celui de l’Etat. Mais il y a du
pouvoir partout : le plus universel n’est-il pas celui de mes amis, de mes
parents, de tous ceux qui prétendent avoir un droit de regard sur mes
actions ?
Hélas ! Toute médaille a son revers… Si le secret
est nécessaire pour la liberté, il la pénalise en même temps. Voyez combien le « mariage
pour tous » a été revendiqué comme un droit : droit à être soulagé du
fardeau de la clandestinité. Tous ceux qui font leur coming out, en avouant leurs
tendances sexuelles l’ont dit : ils ne peuvent se sentir libres que dans
la transparence.
--> Et voilà le dilemme à résoudre pour
aujourd’hui : Raskolnikov ou Soljenitsyne ?
No comments:
Post a Comment