Non seulement la médiocrité [de l’homme au pouvoir] a tous ces avantages pour rester en place, mais elle a encore un bien plus grand mérite : elle exclut du pouvoir la capacité.
Chateaubriand
Qu’on lise l’ensemble de cette citation (en
Annexe) : on sera convaincu que Chateaubriand parle des ministres – qu’il
connait bien puisqu’il l’a été lui-même. Il nous intéresse donc fort
puisqu’aujourd’hui plus que jamais la médiocrité de nos gouvernants semble à
certains si évidente que la seule question qu’ils se posent à leur sujet
est : comment font-ils pour rester en place ?
C’est ce que le Principede Peter décrivait fort bien, mais n’expliquait nullement : les
incompétents qui sont arrivés à un niveau hiérarchique où ils fort preuve de
leur incapacité ne montent plus dans la hiérarchie, mais n’en redescendent
pourtant pas – Pourquoi ? Or voilà que Châteaubriand l’explique fort
bien : les médiocres restent en place parce qu’on ne les en chasse pas. Et
cela, parce que les médiocres au pouvoir donnent à ceux qui jouissent
de la capacité (ceux que Chateaubriand appelle les courtisans) l’espoir de
prendre un jour facilement la place qu’ils occupent. Les courtisans peuvent en effet s’imaginer que leur mérite leur
donnera la place convoitée quand le moment de la briguer sera pour eux venu.
Mais ce n’est pas tout : toujours selon
Chateaubriand, les Rois aiment
montrer que leur pouvoir est si grand qu’ils peuvent hisser au premier rang
ceux que leur médiocrité naturelle devrait confiner à l’obscurité des derniers.
o-o-o
Ceci pourrait bien éclairer le jeu ambigu auquel jouent les
Présidents de notre République avec
leurs premiers ministres : qu’ils aient suffisamment de pouvoir pour être
considérés comme responsables de l’application de la politique du pays, mais
qu’en même temps ils soient soumis à l’impulsion présidentielle (1). On se
rappelle de Nicolas Sarkozy disant fort cyniquement que le Premier Ministre
Fillon n’était que son collaborateur ; mais on se rappelle aussi a contrario qu’Edouard Balladur, désigné
pour être premier ministre de cohabitation par Jacques Chirac (alors chef de
l’opposition) a fini par le menacer dans la course à la présidentielle de 1995.
Est-ce à dire qu’il n’était pas suffisamment médiocre ?
Aux ministres s’applique le principe bien connu : Qu’ils
gouvernent – mais qu’ils ne règnent pas !
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(1) On s’amuse fort en écoutant les déclarations
ministérielles, à relever le nombre de fois où le Ministre cite cette impulsion
(du Président où du Premier ministre) sans laquelle lui, ministre, n’aurait pu
agir ! Encore un de ces
« éléments de langage » qui nous font mourir de rire … ou d’ennui.
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Annexe :
« Plus l'homme en pouvoir est petit, plus il
convient à toutes les petitesses. Chacun en se comparant à lui se dit :
Pourquoi n'arriverais-je pas à mon tour ? Il n'excite aucune jalousie : les
courtisans le préfèrent, parce qu'ils peuvent le mépriser ; les rois le gardent
comme une manifestation de leur toute-puissance. Non seulement la médiocrité a
tous ces avantages pour rester en place, mais elle a encore un bien plus grand
mérite : elle exclut du pouvoir la capacité. Le député des sots et des
imbéciles au ministère caresse deux passions du cœur humain, l'ambition et
l'envie. » Maximes et pensées de François-René de Chateaubriand
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