Blanc-manger pour prendre le matin au lieu d'un boüillon.
Prenez une bonne écuellée de bon bouillon à la viande
bien dégraissé, qui soit fait sans herbe, & salé modérément, il sera de
plus haut goust si on y fait bouïllir du vin blanc, comme pour faire de la
gelée. Faites-le bouïllir à petit feu l'espace d'une heure ou environ, & le
remuez souvent avec une cuillier, afin que rien ne brûle & lors que le
bouillon sera diminué de la moitié ou environ, adjoutez y le laict d'un
quarteron d'amandes douces pelées & bien pilées dans un mortier avec deux
ou trois cuillerées d'eau rose ou d'eau commune froide, ou du laict, ou du
bouillon que l'on y mettra peu à peu en les pilant, laissez encore sur le feu
le blanc manger prés d'une heure, ou jusqu'à ce qu'il soit épais moderement,
remuez-le de fois à d'autres avec une cûillier, vous pouvez le passer par un
linge ou par une étamine pressant le linge, & mettre dans un poislon ou
dans une écuelle d'argent ce qui sera coulé, adjoutant un quarteron plus ou
moins de sucre rompu par morceaux, & un brin de canelle ; on y peut mettre
aussi du musc, ou de l'ambre gris, un peu d'eau de fleur d'orange, & du jus
de citron ou d'orange, & faire bouïllir le tout ensemble un bouillon ou deux.
Anonyme (1683.) – Le cuisinier friand et la manière de faire toute sorte de potage. (1)
o-o-o
Le cuisinier friand
est un recueil de recettes du 17ème siècle qui vient judicieusement
nous rappeler que l’engouement actuel pour les recettes culinaires à la
télévision n’est pas vraiment une nouveauté. Si toute fois vous n’êtes pas
spécialement tenté de refaire ces recettes vieilles de plus de 4 siècles vous
pouvez encore vous laisser tenter par le dépaysement que cette lecture va vous
apporter.
Déjà, le style de ce texte dénote par rapport à nos
recettes actuelles – même sans parler de Marmiton.org, dont les rédacteurs
semblent avoir zappé la case « école primaire » – il semble que le
minimum de mots soit aujourd’hui requis pour s’exprimer.
Et puis il y a le choix laissé au cuisinier de remplacer
un composant par un autre : « de l’eau de rose ou de l’eau commune ou
du lait ou du bouillon ». On comprend que ce n’est pas seulement la
fantaisie qui guide le choix, mais la disponibilité des ingrédients (il ne
devait pas y avoir à l’époque un « arabe du coin » pour dépanner la
cuisinière en défaut)
Si toute fois vous souhaitez réaliser cette recette de
bouillon vous devrez aller jusqu’au bout de l’exotisme et ajouter en terminant de la cannelle, du musc ou de l’ambre gris.
Et si vous n’avez pas tout cela sous la main, allez dans la salle de bains
chercher votre flacon de Chanel N°5.
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(1) On appelait autrefois « potage » tout aliment cuit dans un pot. Je profite de
l’occasion pour signaler le site d’où provient ce recueil de recettes :
les Miscellanées qui compilent des textes absolument étonnants et pour la plupart
inconnus (de moi du moins)
Ajoutons que le Blanc-manger est connu de notre époque où il désigne un entremets sucré
qui doit son nom à sa parfaite blancheur
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