Monday, November 04, 2013

Citation du 5 novembre 2013


En ce monde rien n’est certain – à part la mort et la fiscalité.
B. Franklin (Cité par David Graeber dans son récent ouvrage Dette : 5000 ans d'histoire)
Si cette citation est demeurée illustre, si elle se colporte de discours en discours depuis deux siècles et demi, c’est qu’on en ressent l’évidence et la nécessité. Car rapprocher la fiscalité de la mort, c’est en souligner à la fois l’inéluctabilité et le pouvoir mortifère. Depuis l’origine de l’humanité, il y a toujours eu quelqu’un – Prêtre, Seigneur, Etat – pour prélever des taxes sur tout ce qui vit et qui bouge. Et, en bon adepte du libéralisme, Franklin considère que c’est là non seulement un vol mais encore ce qui stérilise le dynamisme économique.
Bravo donc à Benjamin Franklin, et passons à autre chose ?
Pas si vite : dans son ouvrage, David Graeber ne cite cette phrase que pour lui donner tort. En considérant les documents de l’antiquité – et aussi les archives issues des enquêtes ethnologiques – il constate une chose : c’est que les impôts n’ont pas toujours existé, du moins dans la forme qu’on leur connaît. Qu’on lise en effet Thucydide, dont on citait il y a peu la Guerre du Péloponnèse : ce qu’Athènes, au cours de ses affrontements avec d’autres Cités, recherchait, c’était que les vaincues lui payent un tribut. Le citoyen athénien n’a pas d’impôts à payer, parce que ce sont les citoyens des autres Cités qui l’acquittent pour lui.
Alors, dira-t-on que ce sont là des réalités sans intérêt parce que l’histoire en est aujourd’hui révolue ? Oui, sans doute, mais depuis peu : les colonies ont été jusqu’au milieu de 20ème siècle des pourvoyeurs d’argent, des pays qui payaient leur tribut – peut-être même un tribut encore plus important que durant l’antiquité.
Et aujourd’hui ? L’impôt a-t-il pris la place du tribut acquitté par les pays dominés ?
Je pense que non : l’ensemble [impôt + tribut] continue sans doute d’exister, simplement le libéralisme est passé par là : au lieu d’être versé à l’Etat, le tribut de la colonisation (aujourd’hui incarné par les contrats d’exploitation minier) profite aux entreprises privées, laissant à l’Etat le soin de compenser cette perte en pressurant les citoyens par le fisc.
A chacun son profit.

No comments: