En ce monde rien n’est certain – à part la mort et la fiscalité.
B. Franklin (Cité
par David Graeber dans son récent ouvrage Dette
: 5000 ans d'histoire)
Si cette citation est demeurée illustre, si elle se
colporte de discours en discours depuis deux siècles et demi, c’est qu’on en
ressent l’évidence et la nécessité. Car rapprocher la fiscalité de la mort,
c’est en souligner à la fois l’inéluctabilité et le pouvoir mortifère. Depuis
l’origine de l’humanité, il y a toujours eu quelqu’un – Prêtre, Seigneur, Etat –
pour prélever des taxes sur tout ce qui vit et qui bouge. Et, en bon adepte du
libéralisme, Franklin considère que c’est là non seulement un vol mais encore
ce qui stérilise le dynamisme économique.
Bravo donc à Benjamin Franklin, et passons à autre
chose ?
Pas si vite : dans son ouvrage, David Graeber ne
cite cette phrase que pour lui donner tort. En considérant les documents de
l’antiquité – et aussi les archives issues des enquêtes ethnologiques – il
constate une chose : c’est que les impôts n’ont pas toujours existé, du
moins dans la forme qu’on leur connaît. Qu’on lise en effet Thucydide, dont on
citait il y a peu la Guerre du
Péloponnèse : ce qu’Athènes, au cours de ses affrontements avec
d’autres Cités, recherchait, c’était que les vaincues lui payent un tribut. Le
citoyen athénien n’a pas d’impôts à payer, parce que ce sont les citoyens des autres
Cités qui l’acquittent pour lui.
Alors, dira-t-on que ce sont là des réalités sans intérêt
parce que l’histoire en est aujourd’hui révolue ? Oui, sans doute, mais
depuis peu : les colonies ont été jusqu’au milieu de 20ème
siècle des pourvoyeurs d’argent, des pays qui payaient leur tribut – peut-être
même un tribut encore plus important que durant l’antiquité.
Et aujourd’hui ? L’impôt a-t-il pris la place du
tribut acquitté par les pays dominés ?
Je pense que non : l’ensemble [impôt + tribut]
continue sans doute d’exister, simplement le libéralisme est passé par
là : au lieu d’être versé à l’Etat, le tribut de la colonisation (aujourd’hui
incarné par les contrats d’exploitation minier) profite aux entreprises
privées, laissant à l’Etat le soin de compenser cette perte en pressurant les
citoyens par le fisc.
A chacun son profit.
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