Sunday, November 30, 2014

Citation du 1er décembre 2014

Pour qu'il y ait rencontre, il faut que l'autre soit signifiant, qu'il porte sur son corps les indices et les signaux qui nous font signe. On peut très bien bousculer quelqu'un et lui demander pardon sans le voir : ce sera un simple croisement. Mais si l'on peut repérer, parmi toutes les personnes présentes, celui ou celle dont les signaux corporels provoquent en nous une forte émotion parce que ce sont des gestes et des choses qui correspondent à une sensibilité, une avidité, une espérance inscrite au fond de nous, ce sera une rencontre.
Boris Cyrulnik – Les nourritures affectives
Commentaire I
On parlait ici même de la longue, de la lente période qui permet d’apprivoiser les amis, comme le Renard du Petit Prince. Mais on oublie une donnée essentielle que nous rappelle Boris Cyrulnik : il y a un instinct très immédiat qui  nous met instantanément en contact avec autrui, dès que nous le rencontrons. Cet instinct est sans doute venu du fond de notre espèce, peut-être l’avons nous en commun avec nos cousins primates, mais en tout cas nous l’avons bel et bien.
Alors bien sûr, Cyrulnik ne nous dit rien de la valeur de cette « rencontre » : est-elle de bon conseil ? Est-elle au contraire liée à des indices que l’histoire et les cultures ont brouillés ?
Je me rappelle un livre de Bourdieu qui s’appelle La distinction où l’on voit des photos de gens exerçant divers métiers : ça s’appelle « Le physique de l’emploi » et on croit effectivement reconnaître ces métiers rien qu’à voir la photo de ces gens. Voyez vous mêmes :


Bourdieu – La distinction, p. 212-213

Et si on se trompait en croyant identifier des gens selon leur allure alors que pourtant ils n’ont pas du tout l’emploi qu’on leur suppose. J’ai connu des profs de la Sorbonne qui étaient des sommités reconnues internationalement et qui se baladaient de par le monde avec une tête de bucheron – ou de boucher.

Mais enfin, bons ou mauvais, ces signes existent je crois volontiers Cyrulnik lorsqu’il dit qu’on les reconnait à ce qu’ils  provoquent une forte émotion, et que c’est cela qui fait la rencontre.

…Quoique, moi, voyez vous, ma voisine qui est une bombasse provoque en moi une très forte émotion, et pourtant je ne l’ai pas encore vraiment rencontrée.

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