Pour qu'il y ait rencontre, il faut que l'autre soit
signifiant, qu'il porte sur son corps les indices et les signaux qui nous font
signe. On peut très bien bousculer quelqu'un et lui demander pardon sans le
voir : ce sera un simple croisement. Mais si l'on peut repérer, parmi toutes
les personnes présentes, celui ou celle dont les signaux corporels provoquent
en nous une forte émotion parce que ce sont des gestes et des choses qui
correspondent à une sensibilité, une avidité, une espérance inscrite au fond de
nous, ce sera une rencontre.
Boris
Cyrulnik – Les nourritures affectives
Commentaire
I
On parlait ici même de la longue, de la lente période qui
permet d’apprivoiser les amis, comme le Renard du Petit Prince. Mais on oublie une donnée essentielle que nous
rappelle Boris Cyrulnik : il y a un instinct très immédiat qui nous met instantanément
en contact avec autrui, dès que nous le rencontrons. Cet instinct est sans
doute venu du fond de notre espèce, peut-être l’avons nous en commun avec nos
cousins primates, mais en tout cas nous l’avons bel et bien.
Alors bien sûr, Cyrulnik ne nous dit rien de la valeur de
cette « rencontre » : est-elle de bon conseil ? Est-elle au
contraire liée à des indices que l’histoire et les cultures ont brouillés ?
Je me rappelle un livre de Bourdieu qui s’appelle La distinction où l’on voit des photos
de gens exerçant divers métiers : ça s’appelle « Le physique de l’emploi » et on croit effectivement
reconnaître ces métiers rien qu’à voir la photo de ces gens. Voyez vous
mêmes :
Bourdieu
– La distinction, p. 212-213
Et si on se trompait en croyant identifier des gens selon
leur allure alors que pourtant ils n’ont pas du tout l’emploi qu’on leur
suppose. J’ai connu des profs de la Sorbonne qui étaient des sommités reconnues
internationalement et qui se baladaient de par le monde avec une tête de
bucheron – ou de boucher.
Mais enfin, bons ou mauvais, ces signes existent je crois
volontiers Cyrulnik lorsqu’il dit qu’on les reconnait à ce qu’ils provoquent une forte émotion, et que c’est
cela qui fait la rencontre.
…Quoique, moi, voyez vous, ma voisine qui est une bombasse
provoque en moi une très forte émotion, et pourtant je ne l’ai pas encore
vraiment rencontrée.
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