Un homme d'esprit de ma connaissance voudrait qu'on étudiât
et qu'on enseignât l'histoire à rebours, c'est-à-dire en commençant par notre
temps et remontant de là aux siècles passés; cette idée me paraît très juste et
très philosophique.
D'Alembert
– Mélanges littéraires
Voilà une idée très juste philosophiquement, mais aussi
très favorable aux paresseux. Finies
les longues leçons d’histoire où l’on est contraint d’apprendre les dates, les
lieux, les personnes dont on n’a que faire. Finis ces évènements dont on ne
saurait rien si l’historien n’avait exhumé des vieux grimoires poussiéreux… Que
m’importe de connaître les batailles et les traités du XIIIème
siècle en Prusse orientale ? Et les noms des hordes barbares qui nous ont
envahis ?
Par contre, voyez les évènements actuels du Proche
Orient : là, on ne comprendrait rien si on ignorait comment cette région a
été bouleversée au cours du 20ème siècle, et aussi – pour certains
évènements – ce qu’il y avait avant ; comment certains peuples aujourd’hui
même se réclament d’un lointain passé : qui était ce Saladin qui, comme les musulmans d’aujourd’hui a chassé les
croisés ? Et qui donc était ce Yahvé
qui a donné la Palestine aux Hébreux ?
Partons donc de notre ignorance actuelle et remontons vers
le passé en suivant le fil conducteur lumineux qui éclairera peu à peu la
situation.
o-o-o
Voilà qui est bien connu : c’est d’ailleurs ce qu’on
appelle la généalogie (= recherche de
l’origine d’un fait ou d’un être). Mais c’est une grave erreur.
En effet, que dit l’historien ? Il affirme que les
évènements ne peuvent s’expliquer en remontant le temps – des effets vers leur
cause – mais en le descendant – de leur cause vers leurs effets : c’est à
cette condition qu’on peut expliquer le présent en considérant le passé. Mais
surtout, ce passé, nous ne devons jamais oublier qu’il ne fut produit que par
des gens qui ignoraient tout de ce qui allait advenir – et que nous, nous
connaissons fort bien. Connaitre ce passé ne se peut qu’à la condition de
l’avoir découvert tel qu’il fut vécu à son époque. Qu’est-ce qui serait arrivé
si les soldats d’août 14 avaient su qu’ils ne seraient pas rentrés chez eux
pour noël ?
Donc, c’est adossé à la connaissance du passé que l’on peut
comprendre certains faits présents. Mais qui dit connaissance du passé dit aussi connaissance du passé du passé. Ce qui peut nous
faire remonter assez loin en arrière : mais comme nous ne sommes pas des
feignants, ça ne nous empêche pas d’y aller !
No comments:
Post a Comment