Le divorce est certainement un plaisir
sous-estimé. On parle toujours de la cruauté de la séparation, mais que dire de
ses délices ? Que pourrait-il y avoir de plus rafraîchissant que de ne plus
jamais avoir à dormir dans le même lit que ce corps rébarbatif et de ne plus
entendre ces jérémiades familières ? Il y aurait de quoi se féliciter
éternellement d’une telle délivrance : c’est comme perdre sa virginité ou
devenir millionnaire.
Hanif
Kureishi – La Lune en plein jour
Le
divorce est certainement un plaisir sous-estimé…
Quand on lit cela, on sursaute, et puis on se dit : encore un de ces
paradoxes faciles qui ne reposent sur rien et qui servent seulement à briller.
Lisons quand même la suite pour voir. On
lit que le divorce – entendons : la séparation d’avec son conjoint (1) –
n’est pas forcément une souffrance, c’est aussi la cessation d’une souffrance.
Et mieux encore : c’est comme perdre
sa virginité ou devenir millionnaire.
Là, c’est moi qui sursaute : perdre sa virginité ? N’est-ce pas
plutôt retrouver sa virginité ?
On retrouve sa virginité en divorçant de même qu’on l’avait perdue en se
mariant : le divorce, c’est un
mariage à l’envers. La nouvelle liberté du divorcé, ce n’est pas seulement d’être
débarrassé d’une épouse casse-pieds, c’est surtout de reprendre le contrôle de
sa vie en entrant dans une nouvelle étape
Alors, bien sûr, dans un divorce, il y a
celui qui part et celle qui reste (1) :
-
Le premier fait un acte volontaire et parfois il ne le fait que parce qu’il a
déjà trouvé ce que serait sa vie après – soit une nouvelle union ; soit un
nouveau métier, de nouveaux amis, de nouveaux paysages…
-
La seconde subit au contraire cette situation : pour elle pas de nouvelle
étape, du moins pas à l’horizon. Notre auteur ne parle pas d’elle sauf pour
suggérer qu’elle a bien mérité ce qui leur arrive : elle pousse des
jérémiades continuelles et au lit, son corps est rébarbatif (2).
--> Alors au lieu de se tordre les
mains et de tremper de larmes les draps du lit, il faut se dire : En
perdant mon mari (ma femme), qu’ai-je perdu ? Quelqu’un qui en partant me
révèle que je n’étais pour lui (pour elle) qu’un objet de désir : l’objet
a lassé, qu’y puis-je ? Est-ce que je suis concerné en tant que je suis un
sujet et non un objet ?
C’est alors que nous pourrons cesser de
sous-estimer le plaisir du divorce.
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(1) Dans tout ce qui suit, vous pouvez
basculer du masculin au féminin et réciproquement : je suis certain que la
parité s’applique ici plein pot.
(2) Plus difficile de masculiniser ce
passage. Mettons : « ses
borborygmes avinés au retour de la taverne », et « au lit, il n’a que des mollesses de vieil
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