On considère comme normal de vénérer en
général la virginité et d'aspirer ardemment en particulier à sa destruction.
Karl
Kraus – Dits et contredits
Ceux qui n'ont pas exigé, un jour au
moins, la virginité absolue des êtres et du monde, tremblé de nostalgie et
d'impuissance devant son impossibilité, ceux qui, alors, sans cesse renvoyés à
leur nostalgie d'absolu, ne se sont pas détruits à essayer d'aimer à
mi-hauteur, ceux-là ne peuvent comprendre la réalité de la révolte et sa fureur
de destruction.
Albert
Camus L'homme révolté
L’exigence de la virginité de la femme
associée à la « gloire » de la dépuceler, entre autre le soir des
noces, me parait être une coutume barbare dont l’incohérence signale d’étranges
obsessions sous-jacentes.
Parce que, ou bien la virginité est une
force et une vertu, et alors il faudrait non seulement la conserver, mais
encore la pleurer quand elle a disparu – même si c’est conforme à la coutume.
Ou bien elle n’est que la promesse d’une
jouissance particulière pour le mâle qui fait péter l’hymen. Et alors il n’y a
rien là qui puisse faire une ligne dans un traité de morale.
Alors ? Il reste à faire de la
virginité un état très vague et très étendu : la virginité absolue des êtres et du monde, autrement dit une
pureté qui déborde de toute part les relations sexuelles. Cette virginité-là a
deux caractéristiques : elle est ce qu’on exige comme absolue pureté ;
elle est ce qu’on tremble de colère de voir irrémédiablement disparaitre. Elle
est revendication et nostalgie, parce la perfection qu’elle signale est sur le
point de s’envoler, preuve qu’elle n’appartient pas à notre monde corrompu. Exiger
sa présence dans notre monde est un des signes de la révolte camusienne.
Revenons à la réalité : voyez l’homme
comme il est ! Selon Karl Kraus, nous rêvons d’être le premier à profaner
cette pureté. Est-ce une tentation
satanique ? Même pas ! C’est seulement l’occasion d’une jouissance
subtile, un peu comme l’égyptologue qui ouvre le premier une sépulture pharaonique.
Donc pas la peine de convoquer la
morale, Dieu et tout le tremblement : la virginité est simplement
l’occasion d’un affrontement entre le devoir et le désir. Et le mariage est le
moment où les deux se réconcilient – sur le dos (sic !) de la femme-objet.
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