Les mœurs sont un collier de
perles ; ôtez le nœud, tout défile.
Restif de La Bretonne
Sans le nœud, plus de collier,
les perles s’éparpillent en désordre… Ainsi font les mœurs de la vie
morale : sans principe fondateur, les mœurs deviennent dissolues, l’incohérence
des passions se répand et suscite un conflit généralisé ; c’est la guerre
de tous contre chacun.
Ah ! Qu’en termes
élégants ces choses sont dites ! Car qu’est-ce donc que ce nœud, sinon
l’interdit fondamental, celui qui donne à chaque principe et son rang et son
autorité ? Et plutôt que le nœud pensons à Celui qui noue le fil, je veux
dire le prêtre, la religion et en dernière instance, Dieu Lui-même ! Oui, comme
dit Dostoïevski si Dieu n’existait pas, tout serait permis.
J’avais évoqué cette pensée il
y a bien longtemps : on pourra se reporter à mon Post, je n’y reviens pas.
Par contre ce qui est frappant ici, c’est la fragilité de cette morale qui, à
la moindre secousse, se brise et s’éparpille ; inutile de trancher le fil
du collier, il suffit de défaire le nœud puisque telle la morale a été
construite, telle elle peut se défaire.
On comprend le sens de la
métaphore : ces contraintes qu’impose la morale ne tiennent que par le
respect des valeurs, les quelles ne trouvent leur autorité que dans leur
fondement. Seulement en défaisant ce nœud on défait encore plus : car on
refuse le lien qui unit l’homme à ce principe fondateur – Dieu, ou tout autre
origine qu’on voudra.
Le croyant ne peut désobéir
aux valeurs de la morale, sans renier d’abord
Dieu lui-même, comme dans l’histoire de Moïse brisant les Tables de la Loi
reçues du Seigneur, car le peuple d’Israël célébrant l’idole de veau d’or avait
défait ce nœud sacré qui reliait le peuple à Yahvé son Créateur.
Moïse brisant les Tables de la Loi – Gravure de
Gustave Doré
L’ordre morale ne doit pas être
défait…. Mais pourquoi pas si on en refait un autre ? Pourquoi l’homme lui-même, l’homme ordinaire, vous,
moi, le voisin et le voisin du voisin, ne pourrait-il pas le faire, ce
nœud ? Pourquoi ne pourrait-on pas décider de nos valeurs et les fonder
sur cette décision ?
A réfléchir sur cette
question, l’idée qui se dégage est que la volonté qui veut les valeurs doit
leur être proportionnelle : pour Nietzsche il faut donc être le Surhomme.
Pour Sartre, c’est un acte de notre liberté qui ne nous engage que le temps de
la décision. Nous faisons nous mêmes le nœud, mais nous gardons les ciseaux à
portée de main.
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