La colère,
dit Aristote, est nécessaire ; on ne peut sans elle venir à bout de rien ; il
faut qu’elle remplisse l’âme et enflamme les cœurs ; on doit l’utiliser non comme
chef, mais comme soldat.
Sénèque, De la Colère, I, IX, 2-3
La colère,
quelquefois, fait la guerre aux désirs, comme un élément différent à un
élément différent (…) Lorsque des désirs font violence à quelqu’un,
agissant contre son raisonnement, il s’insulte lui-même et réagit avec son
cœur contre ce qui, en lui, lui fait violence.
Platon – République IV 440a
Pour ceux qui
ont lu mon Post d’hier, le surprise doit être grande : voilà que la
colère après avoir été dénoncée comme responsable de nos maux et de ceux de nos
proches, devient un « soldat » au service de notre raison dans son
combat contre les désirs et les passions…
Et Platon,
qui paraissait être du côté de ceux qui résistaient à la colère, se range
aujourd’hui avec ceux qui préconisent la bonne
colère, celle qui soulève l’âme d’indignation.
- C’est que cette
colère est selon Platon issue de cette partie « irascible » de l’âme
située dans le cœur (le thumos) (1),
et qu’elle se met parfois du côté de notre raison pour lutter contre nos plus
bas désirs. Oui, l’orgueil de mériter notre condition peut nous conduire à des
sursauts de dignité qui nous empêchent de barboter dans la fange où cherchent à
nous maintenir nos plus bas désirs (issus du « bas ventre » lieu de
l’épithumia). Qu’on se rappelle la
triste condition d’Hercule, efféminé par la concupiscence et filant la laine
aux pieds d’Omphale.
Je ne
prendrai pas le temps de détailler la tripartition de l’âme dans le livre IV de
la République : on se reportera à ce bref mais éclairant commentaire qui
nous rappelle qu’on ne doit pas entrer dans un combat contre nous-mêmes sans en
avoir fixé strictement les limites. Pour Platon en effet, les hommes, pour agir
et être heureux, ne doivent pas réduire au silence l’un des composants de leur âme,
mais établir une saine harmonie entre eux. Même les désirs « du
bas-ventre » doivent avoir leur occasion de se manifester, à condition
toute fois que ce soit dans un but « hygiénique » : si vous vous
laissez aller à la fornication, que ce soit seulement pour ne plus y penser
après !
Si donc vous voulez
honorer votre bonne amie ce soir et qu’elle vous oppose une migraine tenace,
dites-lui : « Mais chérie, laisse toi faire. Tu verras ça ira mieux
après. C’est Platon qui l’a dit – tu n’as qu’à relire la République IV 435c et
suivants »
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(1) Il y a 4
ans un mouvement né avec le livre de Stéphane Hessel, les Indignés, avait donné beaucoup d’espoir qui se sont depuis
assoupis. C’est qu’il reposait justement sur cette noble colère qui, comme
toute passion, ne dure pas. Oui – mais elle peut se réveiller !
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N.B. ceux qui
souhaitent trouvent les textes de références sur la colère dans nos philosophes
classique, doivent se reporter cet excellent florilège : « Colère et
indignation : y a-t-il une juste colère ? » Par M-F Hazebroucq,
Lycée La Bruyère – Versailles.
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