Thursday, November 05, 2015

Citation du 6 novembre 2015

La colère, dit Aristote, est nécessaire ; on ne peut sans elle venir à bout de rien ; il faut qu’elle remplisse l’âme et enflamme les cœurs ; on doit l’utiliser non comme chef, mais comme soldat.
Sénèque, De la Colère, I, IX, 2-3
La colère, quelquefois, fait la guerre aux désirs, comme un élément différent à un élément différent (…) Lorsque des désirs font violence à quelqu’un, agissant contre son raisonnement, il s’insulte lui-même et réagit avec son cœur contre ce qui, en lui, lui fait violence.
Platon – République IV 440a
Pour ceux qui ont lu mon Post d’hier, le surprise doit être  grande : voilà que la colère après avoir été dénoncée comme responsable de nos maux et de ceux de nos proches, devient un « soldat » au service de notre raison dans son combat contre les désirs et les passions…
Et Platon, qui paraissait être du côté de ceux qui résistaient à la colère, se range aujourd’hui avec ceux qui préconisent la bonne colère, celle qui soulève l’âme d’indignation.
- C’est que cette colère est selon Platon issue de cette partie « irascible » de l’âme située dans le cœur (le thumos) (1), et qu’elle se met parfois du côté de notre raison pour lutter contre nos plus bas désirs. Oui, l’orgueil de mériter notre condition peut nous conduire à des sursauts de dignité qui nous empêchent de barboter dans la fange où cherchent à nous maintenir nos plus bas désirs (issus du « bas ventre » lieu de l’épithumia). Qu’on se rappelle la triste condition d’Hercule, efféminé par la concupiscence et filant la laine aux pieds d’Omphale.
Je ne prendrai pas le temps de détailler la tripartition de l’âme dans le livre IV de la République : on se reportera à ce bref mais éclairant commentaire qui nous rappelle qu’on ne doit pas entrer dans un combat contre nous-mêmes sans en avoir fixé strictement les limites. Pour Platon en effet, les hommes, pour agir et être heureux, ne doivent pas réduire au silence l’un des composants de leur âme, mais établir une saine harmonie entre eux. Même les désirs « du bas-ventre » doivent avoir leur occasion de se manifester, à condition toute fois que ce soit dans un but « hygiénique » : si vous vous laissez aller à la fornication, que ce soit seulement pour ne plus y penser après !
Si donc vous voulez honorer votre bonne amie ce soir et qu’elle vous oppose une migraine tenace, dites-lui : « Mais chérie, laisse toi faire. Tu verras ça ira mieux après. C’est Platon qui l’a dit – tu n’as qu’à relire la République IV 435c et suivants »
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(1) Il y a 4 ans un mouvement né avec le livre de Stéphane Hessel, les Indignés, avait donné beaucoup d’espoir qui se sont depuis assoupis. C’est qu’il reposait justement sur cette noble colère qui, comme toute passion, ne dure pas. Oui – mais elle peut se réveiller !
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N.B. ceux qui souhaitent trouvent les textes de références sur la colère dans nos philosophes classique, doivent se reporter cet excellent florilège : « Colère et indignation : y a-t-il une juste colère ? » Par M-F Hazebroucq, Lycée La Bruyère – Versailles.

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