Malheur aux naïfs qui croient que zapper c'est vivre et
qu'en conséquence vivre c'est zapper. ..
Bernard
Pivot – Le métier de lire
Proust est
présenté́ /par Roland Barthes/ comme l’œuvre même de plaisir, celle qu’on relit sans jamais y sauter les
mêmes passages.
Antoine Compagnon – Proust et moi
Suite
du Post d’hier.
Alors qu’hier
nous faisions l’éloge de la discontinuité dans la lecture, voici qu’avec
Bernard Pivot vient une autre perspective : celle du zappeur, dont je supposerai ici qu’il zappe non seulement en
vivant, mais aussi en lisant. « Zapper », est-ce la même chose que
sauter avec une bouillonnante impatience les pages d’un livre qui nous
passionne ?
- Qu’est-ce
donc que « zapper » ?
Devant sa
télé, armé de sa « zapette » le téléspectateur prétend regarder
plusieurs programmes en même temps. Faute d’avoir plusieurs écrans devant lui,
il fait succéder les images de chaines différentes avec assez d’agilité pour
avoir le sentiment de tout voir en même temps.
- Et le
lecteur que ferait-il pour zapper, si ce n’est comme le disait Barthes sauter
les pages pour suivre le fil rouge de son plaisir ? Serait-il aussi
capable, à l’égal du téléspectateur de pratiquer une « plurilecture
simultanée » ?
Dans ma
jeunesse on lisait beaucoup un magasine mensuel, Sélection du Reader’s digest,
qui présentait des extraits de livres récemment parus, de sorte qu’en lisant
100 pages on avait l’impression d’en avoir lu 1000 ! Mais attention !
Il ne s’agissait pas comme aujourd’hui des « bonnes feuilles » livrées
en avant premières d’un ouvrage à paraître. Il s’agissait d’un résumé, et je
suppose que certains passages étaient carrément réécrits pour laisser à
l’histoire son intelligibilité : l’histoire y trouvait peut-être son
compte, mais la littérature, sûrement pas…
Je ne reviens
pas sur le parcours de Bernard Pivot qui, en 15 années de télévision a plus
fait pour la lecture que n’importe qui. Toutefois, et avec tout le respect que
j’ai pour lui, je me demande s’il ne pêche pas par excès d’optimisme. Je veux
dire qu’un magasine comme le Rider’s
digest n’a plus à présent grand intérêt pour le public : de nos jours il est si peu
important de lire qu'on n'éprouve plus le besoin croire qu’on a lu quelques
livres le mois dernier. A part les lecteurs qui vont suivre les publications
littéraires (avec la Grande Librairie
par exemple) et les clients de Guillaume Musso ou de Marc Levy, il n’y a que
des piocheurs d’écrans iPhone, et je doute fort qu’ils les aient transformés en
liseuses.
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