J’aime l’entreprise.
Manuel
Valls – Premier ministre
Il faudrait une connaissance étendue du
commerce, du crédit et de la banque, pour analyser leurs immenses entreprises,
leur fermeté, leur esprit de décision, leur audace même, leur stricte probité
aussi, et la noble confiance qu'ils ont en quelques-uns, sans se tromper aux
apparences. J'ajoute qu'il y a une profonde sagesse dans cette aversion pour la
dépense inutile; aussi dans cette vue que l'on domine mieux le troupeau humain
par la richesse que par la majesté. Il vaut mieux ne pas nommer passion une action
suivie, réglée par l'intelligence, et suivant une espèce de justice, bien
supérieure aux mouvements de la vanité, de la convoitise, et même de la pitié.
Alain
– Eléments de philosophie
(Suite du commentaire du 10 juin 2016)
Bien que je n’aie guère envie de commenter
ce texe, je souhaite donner quand même quelques pistes pour l’évaluer.
1 – D’abord l’ensemble de ce texte
ressemble à une réfutation du dédain où l’on tenait l’entreprise capitaliste
considérée comme une affaire de boutiquier. Le bourgeois trimbale avec lui
cette étiquette de grippe-sou, accaparé par le souci de son fonds de commerce
et toujours entrain de transformer les nobles actions en moyen de faire de
l’argent. Contre quoi, Alain souligne les fortes vertus que le capitaliste doit
mettre en œuvre avant de se soucier du résultat final.
2 – Ensuite, l’entreprise est aussi une
équipe qui doit faire confiance à chacun de ses membres. Y a-t-il une
différence quand aux moyens nécessaires
entre la fabrique qui invente, usine et commercialise un robinet et
l’équipe qui monte un opéra ? En réalité il n’y en a pas si l’on veut bien
la considérer sous le seul angle de la confiance qu’elle nécessite, cette
confiance qui vient de l’intuition en profondeur des êtres et non de
l’impression superficielle qu’ils peuvent donner.
3 – Ah ! L’aversion pour la dépense
inutile ! Le bourgeois est avare, c’est bien connu et la prodigalité est
artiste c’est également évident… Oui, mais voilà Alain qui prend le contrepied
de cette thèse : le sage est tout aussi adversaire de la dépense inutile
et en lui, c’est une vertu. Que de choses
dont je n’ai pas besoin ! disait Socrate traversant le marché
d’Athènes.
4 – J’ai plus de mal avec l’éloge de l’art
de dominer le troupeau humain : l’argent vaut mieux que les coups. On en a
certes une vérification avec notre gouvernement qui achète la paix sociale au
lieu d’envoyer les CRS aux grévistes ; mais le philosophe doit-il en
féliciter le chef d’entreprise ? Tout ce que je trouve à dire c’est qu’on
n’est pas obligé se joindre au troupeau humain.
5 – Finalement tout cela montre que le
capitaliste n’est pas un homme animé par la passion de l’argent, il n’est pas
dans la pléonexie (1). La preuve en
est des nombreuses qualités dont il doit faire preuve pour réussir dans les
affaires. Qualités qui sont : l’intelligence (ça, on veut bien) et
« une espèce de justice » (une espèce : qu’est-ce à dire ?)
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(1) Pléonexie : désir d’avoir plus que les autres en toute chose. S’agissant du
pouvoir ce serait plutôt l’affaire du leader politique quand bien même il
serait d’extrême gauche.
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