Le désir rend souvent l'homme veule.
Regardez ce sourire en forme de traversin froissé, ce regard d'eau du robinet
qui coule ! La veulerie du désir est suivie par son audace. Après avoir
reniflé, hésité, il devient prêt à tout pour satisfaire le loup dans le ventre.
Charles
Dantzig – Encyclopédie capricieuse du tout et du rien,
Commentaire 1
On oublie souvent de dire que le désir se
décompose en deux phases : l’une de capture ; l’autre de
consommation. Et si la capture peut avoir toutes sortes de stratégies, dont
celle de la veulerie et en tout cas de la douceur séductrice – la consommation
est en revanche toute de violence subie et non consentie ; oubli dont la
faute revient à certains hommes qui contournent la première phase pour attaquer
tout de suite avec la seconde.
La veulerie donc.
- Sourire
en forme de traversin froissé : quoi de plus répugnant qu’un traversin
s’il est froissé ? On suppose qu’il a supporté le poids du dormeur ou ses
élans des amoureux. Mais enfin ! s’il en conserve des faux plis c’est sans
doute liés à un manque de rembourrage : voilà qui est vraiment répugnant.
De plus : un sourire qui ressemblerait à ce modèle serait à coup sûr esquissé
par des lèvres molles et distendues. Cette mollesse est un leurre destiné
éviter d’effrayer la victime, voire même à la séduire ; car la séduction
est un instrument du désir destiné à éviter un affrontement et à obtenir son
consentement.
- Regard
d’eau du robinet qui coule : qu’un regard soit clair comme de l’eau de
source, passe encore. Mais qu’il soit aussi indéfini, aussi insaisissable que
l’eau qui coule du robinet, là ça ne va plus ! En même temps, ça se
comprend : le désir qui cherche à capturer sa victime doit rester masqué.
Quoi de plus révélateur qu’un regard qui serait brillant de concupiscence en
approchant de sa proie ?
- Après
avoir reniflé, hésité… : le désir dont nous parlons est un désir
pervers. Il considère la personne désirée non comme un être humain mais comme
un objet dont il veut connaître les caractéristiques physique : il le
palpe et le renifle. Mais surtout il le compare aux autres. Pour le loup qu’on a dans le ventre, la femme
est un objet de jouissance. Sera-t-il conforme à ses habitudes ? Ce corps
aura-t-il les performances recherchées ?
… Oui, il y a là bien des hésitations…
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