Elle rôde, s'insinue, s'approche, s'éloigne, revient sur la
pointe des pieds et, si je tends la main, disparaît — une Parole. Je n'aperçois
que sa crête orgueilleuse : Cri. Christ, cristal, crime, Crimée, critique,
Christine, critère ?
Octavio
Paz – Liberté sur parole
Lo-lii-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le
long du palais pour taper, à trois reprises, contre les dents. Lo. Lii. Ta.
Nabokov
– Lolita
On peut jouer avec la langue-langage de différentes
manières :
- Il y les jeux de langage de Wittgenstein, qui portent sur
le signifié (1).
- Et puis il y a les jeux avec les mots qui usent du
signifiant à leur façon, non pour en faire un pont permettant d’accéder au
sens, mais plutôt comme une réalité qui se suffit à elle-même, soit qu’elle
évoque un sens ineffable (comme dans la poésie) soit qu’elle permette de jouer
avec sa bouche comme Nabokov avec sa Lolita ou qu’elle donne à imaginer à
Octavio Paz un animal fugitif
Dans les deux cas, on devine que ce sont les petits enfants
qui possèdent les clés du langage : si, comme le pense Wittgenstein le
sens dépend d’une convention entre usagers, on est dans le cas des jeux
enfantins : « On dirait que tu serais la malade et moi le docteur
… ». Et autrement ? Le langage serait issu du babil de l’enfant qui
joue avec les sons, fait frétiller sa glotte, gonfle ses joues, et fait rouler
les « rrrr » dans la gorge.
De toute façon, le langage – ou pour mieux dire : la
langue – n’est pas une affaire sérieuse. Ce sont les savants qui prennent des
mines renfrognées de Trissotin qui se carrent dans leurs fauteuils d’académiciens et
qui interdisent à quiconque d’user du français autrement que selon l’usage de
Racine ou de Chateaubriand.
Mais ne l’oublions pas : Racine, Molière, Chateaubriand
et bien d’autres ont été des grandes personnes qui n’ont pas oublié qu’étant
petits ils ont ri aux anges en faisant des bruits avec leur gorge.
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(1) Voir ici (aller à 2 – deuxième
philosophie)
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