Qui donne aux pauvres prête à Dieu
Victor
Hugo (attribué à -)
Quiconque fait la charité sera récompensé
par Dieu dans le futur. La récompense – disons plus généralement la rétribution
(en bien comme en mal) est du domaine de l’avenir et c’est là sa principale
caractéristique. Dieu vous le rendra ; je vous paierai à la saint
Michel ; emprunt d’Etat remboursable dans 25 ans.
Oui, de même qu’on ne peut avoir en même
temps le beurre et l’argent du beurre, le remboursement d’une dette s’effectue
dans un avenir dont il faut comprendre qu’il comporte bien des aléas. Cette
remarque est à prendre au sérieux car c’est elle qui justifie l’existence des
intérêts versés pour un emprunt.
On entend dire souvent que l’intérêt versé
pour un emprunt est un loyer. Je crois que l’essentiel n’est pas là, car on
voit bien que son taux varie non seulement selon la durée du prêt mais aussi
selon la solvabilité de l’emprunteur. Ce qu’on paye en empruntant c’est le
risque que court le préteur de ne pas récupérer son argent, l’idée étant que si
d’aventure nous ne remboursons pas, cette perte sera compensée par les
bénéfices réalisés grâce aux agios versés.
Mais le philosophe sera sans doute attentif
à autre chose encore – quelque chose de plus « métaphysique ». Si
l’aléa est lié inexorablement à l’avenir c’est parce que celui-ci est le
domaine de ce qui n’est pas encore et de ce qui peut-être ne sera jamais, parce
qu’il est une sorte de non-être. « Si Dieu le veut » disait-on
autrefois d’un évènement futur. Bref : même si, comme dit saint Augustin,
« ce non-être tend vers l’être », il n’en reste pas moins quelque
chose qui sera… ou pas. C’est même cela qui justifiait selon l’Eglise certains
prêts à gage – tel, par exemple que celui-ci : nous sommes au 13ème
siècle, un homme arrive un matin sur une foire de Champagne ; sa bourse
est vide et il va emprunter de l’argent. Avec celui-ci il achète du tissus, le
débite, le revend avec un certain bénéfice. Le soir, il va rembourser son
emprunteur et lui verse un intérêt convenu pour le risque couru par celui-ci de
ne jamais revoir son argent.
D’où le caractère inquiétant du crédit à la
consommation : car dans ce cas, l’emprunteur n’est plus le vendeur de
tissus mais l’acheteur de réfrigérateur. Et du coup, le bénéfice destiné à
financer les intérêts n’existe plus. Telle est la situation des grecs
aujourd’hui qui doivent emprunter pour rembourser non le capital mais seulement
les intérêts. (1)
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(1) Les remboursements plus substantiels
doivent commencer en… 2022. Si Dieu le veut !
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