Monday, June 20, 2016

Citation du 20 juin 2016

Chaque fois unique, la fin du monde.
Jacques Derrida – « Concept » du 11 septembre
Un événement tragique marque un avant et un après, on le singularise pour conjurer sa répétition.
Frédéric Worms – Plus jamais ça ? (Chronique de Libération – 17 juin 2016)
On peut lire en ligne ici le texte de Worms

A l’horreur du massacre homophobe d’Orlando, s’ajoute, selon Frédéric Worms, une effrayante certitude : cet assassinat « de masse » pourtant si unique dans son surgissement, n’est pas un événement isolé. Bien au contraire : il n’est que la répétition d’autres événements tout à fait similaires, dont celui du Bataclan est pour nous un exemple, mais bien sûr en matière d’assassinats de masse, les américains ont bien d’autres références…
Unique Le 13 novembre, Le 11 septembre ? En réalité, même le philosophe doit  accepter  cette étrange contradiction qui consiste à considérer l’évènement comme unique (du jamais-vu) et pourtant répétable à l’indéfini : combien de Saint-Barthélemy depuis La Saint- Barthélemy ? On espère que l’horrible massacre d’Orlando marque la fin d’un vieux monde et soit le point de départ d’un monde nouveau. Mais dit Worms « cet événement nous laisse deux fois brisés : par l’ébranlement à nouveau ; mais aussi par son retour » ; il porte en lui le sentiment que tout cela non seulement n’est pas nouveau, mais est encore intégré dans un processus de répétition.

Suivant Derrida, Worms en tire une conclusion très pratique : il faut bien que nous croyions à cette singularité de l’événement tragique pour reconstruire le monde qui vient d’être détruit, même quand ce monde est celui de la maison profanée et du viol des êtres qui l’habitent.
  « Plus jamais la guerre ! » Fastoche ! - comme si notre volonté pouvait agir là-dessus. Oui, plus jamais ça… Mais comment faire sans verser dans une naïveté un peu ridicule, dans un idéal rose-bonbon au quel l’homme sérieux ne devrait pas croire – et qui malgré tout reconstruit sa maison en disant qu’on verra combien de temps passera avant qu’elle soit à nouveau envahie et démolie ?
Le philosophe se transforme alors en moraliste : distinguez dit-il les actes abominables contre les quels nous devons lutter, des êtres qui les ont commis. Car c’est la condition à la quelle nous pourrons construire le monde commun sans le quel nous perpétuerions les massacres en massacrant les massacreurs.
– Comment ! Vous seriez prêts à faire un monde commun avec tous ces ignobles tueurs ? Nous ce que nous voulons, c’est un monde nouveau : ne faut-il pas d’abord neutraliser ces assassins – la solution qui pour être définitive doit être finale (vous voyez où je veux en venir…) ?
Tous les pays qui ont connu de telles déchirures (on pense à l’Afrique du Sud, au Rwanda, mais aussi à la France de la Libération) n’ont pu faire un monde nouveau qu’en faisant un monde commun ce qui suppose que les victimes acceptent de vivre avec leurs anciens bourreaux - ce qui constitue une sorte de pardon.
Le Pardon : le mot est lâché ! Que ce soit possible suppose deux choses car, pour imaginer un monde commun dit Worms, il ne suffit pas de distinguer les massacres des massacreurs. Il faut aussi faire tout ce qui doit être fait pour que le passé ne se répète pas, pour que les assassins et les victimes n’échangent pas leur rôle – indéfiniment.

La Saint-Barthélemy ? Plus jamais ça ! Et si les musulmans étaient nos protestants d’aujourd’hui ?

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