Tuesday, October 03, 2017

Citation du 4 octobre 2017

En face du vrai bonheur, les richesses valent l'ombre d'une fumée.
Sophocle / Antigone
Je laisserai de côté le jugement concernant le rôle des richesses dans la vie, pour m’interroger sur la non-existence des choses.
- L’ombre paraît la moins consistante des choses – on le sait depuis l’allégorie de la caverne, quand Platon nous explique que ce que nous prenons pour la réalité n’est en fait que l’ombre des choses, projetée sur la paroi de la caverne. Derrière nous les objets réels ; devant nous : leur ombre.
Mais elle n’est pas la moins consistante des choses, selon Sophocle. Certes l’ombre a toujours la même infime réalité : un peu de contraste dans le flot de lumière, elle ne dit rien de la nature véritable de l’objet dont elle est la projection. Pourtant Sophocle le prétend : on peut accéder à moins de réalité encore, si l’ombre dématérialise ce qui a déjà le moins de matérialité : la fumée. Au-delà, on bascule dans le néant ; en-deçà, on reste dans l’existence sans équivoque.  C’est cet amenuisement de l’être qui nous donne la juste échelle pour penser la vie dans son jaillissement constant, tel que l’a décrit Wladimir Jankélévitch.
L’ombre de la fumée donne à penser ce « je-ne-sais-quoi » et ce « presque-rien » dont Jankélévitch faisait le cœur de chaque chose dans l’instant de leur apparition. Car c’est bien dans ce tremblement de l’existence quant la chose va apparaître, mais qu’il dépend peut-être encore que nous en décidions, ou du moins que nous décidions quoi faire, quand elle sera là, dans une fraction d’instant.


Voilà : on n’a pas attendu Sartre pour faire du néant une certaine forme de réalité : car le néant c’est comme le zéro : on ne peut rien en dire mais sans lui on est bloqué également.

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