En face du vrai bonheur, les richesses valent l'ombre d'une
fumée.
Sophocle
/ Antigone
Je laisserai de côté le jugement concernant le rôle des
richesses dans la vie, pour m’interroger sur la non-existence des choses.
- L’ombre paraît la moins consistante des choses – on le sait depuis l’allégorie de la caverne, quand Platon nous explique que ce que nous prenons pour la réalité n’est en fait que l’ombre des choses, projetée sur la paroi de la caverne. Derrière nous les objets réels ; devant nous : leur ombre.
- L’ombre paraît la moins consistante des choses – on le sait depuis l’allégorie de la caverne, quand Platon nous explique que ce que nous prenons pour la réalité n’est en fait que l’ombre des choses, projetée sur la paroi de la caverne. Derrière nous les objets réels ; devant nous : leur ombre.
Mais elle n’est pas la moins consistante des choses, selon
Sophocle. Certes l’ombre a toujours la même infime réalité : un peu de
contraste dans le flot de lumière, elle ne dit rien de la nature véritable de l’objet
dont elle est la projection. Pourtant Sophocle le prétend : on peut
accéder à moins de réalité encore, si l’ombre dématérialise ce qui a déjà le
moins de matérialité : la fumée. Au-delà, on bascule dans le néant ;
en-deçà, on reste dans l’existence sans équivoque. C’est cet amenuisement de l’être qui nous
donne la juste échelle pour penser la vie dans son jaillissement constant, tel
que l’a décrit Wladimir Jankélévitch.
L’ombre de la fumée donne à penser ce « je-ne-sais-quoi » et ce « presque-rien » dont Jankélévitch
faisait le cœur de chaque chose dans l’instant de leur apparition. Car c’est
bien dans ce tremblement de l’existence quant la chose va apparaître, mais
qu’il dépend peut-être encore que nous en décidions, ou du moins que nous
décidions quoi faire, quand elle sera là, dans une fraction d’instant.
Voilà : on n’a pas attendu Sartre pour faire du néant
une certaine forme de réalité : car le néant c’est comme le zéro : on
ne peut rien en dire mais sans lui on est bloqué également.
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