Le présent n'est pas un passé en puissance, il est le moment du choix et de l'action.
Simone de Beauvoir - Pour une morale de l'ambiguïté
Vous voulez embêter un philosophe ? Demandez-lui « Qu’est-ce que c’est que le temps ? »
Kant a répondu : « C’est une forme a priori de la sensibilité» : il paraît qu’il a mis 10 ans à trouver ça, et certains de ses collègues se sont moqués de lui. Le temps, c’est la croix du philosophe.
Simone est plus prudente. Elle ne dit pas ce que c’est que le temps, mais seulement ce que c’est que le présent. C’est déjà plus facile.
Alors, il semble que pour comprendre le présent il faille de distinguer du passé. Banalité ? Oui, je sais bien qu’entre mes vacances de demain et celles de l’an dernier, il y a une sacré différence : les premières sont à vivre pour de vrai ; les autres ne sont qu’à revivre en souvenir.
Mais ça ne suffit pas. « Vivre pour de vrai », qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que c’est le moment du choix et de l'action. Dans le présent, je peux décider ce que je vais faire, est-ce que je vais à la montagne ou à lamer, est-ce que je pars seul ou avec mes enfants, est-ce que j’emporte mon vélo où les œuvres complètes de Buffon ? Dans le passé, il n’y a plus rien à faire, je ne peux que re-passer mes souvenirs : j’ai été à la mer - et pas à la montagne ; je me suis coltiné les moufflets ; etc...
S’agit-il de banalités ? Non, simplement d’évidences. Mais s’il faut les rappeler, c’est pour une raison qui n’est pas forcément très évidente : nous avons tendance à croire que le présent est un passé en puissance, ce qui veut exactement dire qu’il est immuable et déterminé : pré-déterminé, comme le passé est « post »-déterminé. J’ai en poche pour demain ma réservation pour le bungalow du Camping des flots bleus ; je n’ai donc plus le choix : je n’irai pas camper au pied de la mer de glace. Quelle différence entre ce présent et le passé ? Aucune, du moins d’un point de vue de ma liberté : je n’ai plus le choix, je pourrais déjà écrire les cartes postales que je posterai en repartant. Pourtant ce serait une erreur. Car j’ai encore à agir : le présent c’est le temps de l’action : il faut atteler la caravane et prendre la route. Le passé c’est le temps de l’inaction.
C’est pourquoi c’est le temps des vieux.
Sunday, April 15, 2007
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