Tuesday, April 17, 2007

Citation du 18 avril 2007

La politique, c’est éphémère, mais une équation est éternelle.

Einstein - Entretiens

Comment mettre en parallèle la politique et les mathématiques ? On ne peut le faire qu’à condition de trouver un point commun, qui puisse servir de base de comparaison ; or, il semblerait à première vue qu’aucun point d’intersection n’existe entre ces deux domaines.

Il est alors d’autant plus intéressant de voir comment Einstein résout cette difficulté. Pour lui, c’est la durée qui distingue la politique des mathématiques (y compris dans leurs applications physiques je suppose) : la politique est éphémère, l’équation est éternelle.

Comprenons que la politique s’inscrit dans l’histoire : ses actions ont un contexte temporel, elles ont un début et une fin. En revanche, les mathématiques n’ont pas d’histoire, ou plutôt si : mais ce qui est historique dans les mathématiques, ce sont les découvertes ; par contre, le contenu découvert est indifférent à la période historique. Le théorème de Pythagore, admettons que ce soit bien Pythagore qui l’ait découvert durant le 6ème siècle (1) ; personne pourtant ne dira que ces propriétés du triangle rectangle aient commencé d’exister le jour où elles furent énoncées la première fois ; et bien sûr personne ne soutiendra non plus qu’elles doivent cesser d’être vraies un jour (2) : c’est en ce sens qu’elles sont éternelles. (3)

Bon, qu’est-ce que ça suppose quant à la politique ? Ça suppose que rien ne dure éternellement en politique. Tout ce qui apparaît dans l’histoire doit disparaître avec l’histoire. Par exemple : la démocratie. Un historien philosophe (dont le nom m’échappe, si vous le rattrapez, envoyez-le moi), après le fin du régime soviétique, considérait que la démocratie était entrain de s’instaurer partout dans le monde (y compris en Amérique du Sud et en Afrique). Il en déduisait qu’on arrivait à la fin de l’Histoire annoncée par Hegel et par Marx, c’est à dire que la démocratie était le régime politique indépassable et donc définitif. Hé bien, en supposant qu’il ait eu raison en disant que ce régime était entrain de s’imposer partout, qu’est-ce qui nous fait croire qu’un autre régime politique inconnu à ce jour n’allait pas naître et combattre la démocratie ? Comprenez qu’en disant « la politique c’est l’éphémère », on ne dit pas simplement qu’on peut à tout moment régresser ; on peut aussi dire que si nous progressons, alors ce que nous estimons bon aujourd’hui peut disparaître demain.

Et si le progrès c’était une société sans Etat ?

(1) Sur ce point voir ceci

(2) A condition qu’on reste dans le cadre de la géométrie euclidienne.

(3) On peut vérifier alors que la réminiscence platonicienne (4) joue son rôle essentiellement dans le cas des mathématiques puisqu’on peut alors faire comme si elles avaient toujours existé.

(4) La réminiscence chez Platon concerne nos connaissances : nous ne faisons jamais que nous ressouvenir de ce que nous avons connu dans une existence antérieures. L’exemple le plus couramment cité est celui du petit esclave du Ménon : à lire ici

2 comments:

Anonymous said...

C'est Francis Fukuyama le philosophe en question.

Jean-Pierre Hamel said...

Merci Pierre-Jean. Je me rappelais que c'était un nom japonisant, mais c'est tout.