Définition - Journal intime : Relation quotidienne de la partie de notre existence que nous pouvons nous raconter sans rougir.
Ambrose Bierce Le Dictionnaire du Diable (1911)
Nous tous, amis Bloggeurs, nous trouvons normal de raconter notre vie à des gens qui sont n’importe qui, parce qu’on ne les rencontrera jamais. Au point qu’on supposerait presque qu’il est moins compromettant de confier les pages de son journal au Net plutôt que de le conserver dans le tiroir de la table de nuit. Vous ne me croyez pas ? Lisez ce qui suit.
Mon cher journal,
je dois te l’avouer : aujourd’hui je t’ai fait une infidélité.
Tu te rappelle de Clara ? Tu sais, Clara, la fille aux cheveux rouges, celle dont je t’ai dit qu’elle m’avait abordé, comme ça, pour une clop, au MacDo ?
Hé bien, je l’ai revue aujourd’hui, comme ça, par hasard, et je ne sais pas pourquoi, je lui ai raconté tout ce que j’avais fait la nuit dernière quand je suis allée en boite avec Bruno. Je lui ai tout raconté, alors que je n’avais pas même osé te dire avec qui j’étais sortie. Et elle qui m’écoutait, ses yeux acérés braqués sur moi, derrière ses cheveux rouges… Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire : elle m’entendait, mais moi, je ne m’entendais pas : je revivais cette nuit avec Bruno, et rien d’autre.
Ecrire est-il plus compromettant que parler ? On dit : « les paroles s’envolent les écrits restent ». En réalité, c’est la personne à qui on fait la confidence qui importe : la confidence disparaît avec la confidente inconnue. Ici, face au journal intime, pas d’inconnu, c’est moi qui suis le destinataire.
Et en plus, c’est vrai, la confidence restera entre les pages du journal, dotée de cette vie quasi minérale que confère l’écriture . Le blog a pour lui la rassurante éphémérité de la parole : sitôt écrit, sitôt disparu dans les profondeurs des archives pour messages oubliés.
Mais, mon cher journal, ne te fâche pas. Je t’aime et je te préfère à la fille aux cheveux rouges : toi seul a le pouvoir d’accumuler les épisodes de ma vie, toi seul me permets de les avoir tous là sous la main. Je peux te relire, tu me donnes sans compter et avec fidélité l’impression que chaque étape est reliée à toutes les autres, que ma vie ne forme qu’un tout, qu’entre l’espoir de la première rencontre et le bonheur accompli, il n’y a qu’un pas, qu’un seul mouvement…
Et puis, tu sais, les cheveux rouges : je trouve ça affreux.
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