Thursday, June 21, 2007

Citation du 22 juin 2007

<>Si l'ennui était mortel, l'école serait un cimetière.

Anonyme


Ça, c’est l’école Jules Ferry, avec ses enfants aux doigts violacés d’encre, leurs blouses grises, qui posent sur la photo de classe en rang d’oignons, comme des insectes dans des bocaux de formol…

Et aujourd’hui ? Vos enfants s’ennuient-ils à l’école ? Le maître est sans relief, ses leçons sont inintéressantes ? Oui, mais à la récré on s’échange les images de footballeurs ou les adresses porno sur le net.

Et au collège ? Le cours d’anglais est super chiant, mais comme c’est le bordel, on peut envoyer tranquille de SMS aux potes qui sont en cours de physique. Et là, qu’est-ce qu’on rigole. Mieux même qu’à la cantine.

Et au lycée ? Là stop : c’est ce que je connais un peu. Figurez-vous que les élèves - certains d’entre eux au moins - qui ne fichent rien de rien en classe, sont heureux au lycée, et même je suis sûr qu’ils s’ennuient ferme pendant les vacances. Séquence souvenir : j’ai voulu une fois exclure un élève particulièrement inactif de mon cours : il m’a répondu courroucé qu’il avait le droit d’occuper la place qui était la sienne dans la classe, et qu’il ne devait rien de spécial pour ça. Et surtout pas faire le travail demandé. Il était chez lui

Le lycée est leur demeure, l’endroit où ils ont leur relations sociales les plus performantes, où ils sont reconnus comme personne à part entière par leurs copains, voire même par leurs profs. Car ne vous y trompez pas, certains profs connaissent fort bien leurs élèves et savent ce qu’ils valent en dehors de toute référence scolaire. Oh, oui, quand on en a un - encore souvenir - qui est champion de France de judo, il vaut mieux être au courant. Mais celui qui est super à la guitare basse, où qui collectionne les papillons (oui, j’ai eu ça), ou qui a tous les tee-shirt d’ACDC, ou qui est libero dans son équipe de foot, tous ces gens sont parfaitement passionnants si on les conduits à parler de leur passions. Reste à loger ça dans un cours de physique ou de maths. De philo, ça passe, croyez vous ? Oui, mais s’ils le veulent bien.

Dernière anecdote : Un début d’année je tente de motiver une classe (genre math-techno) en proposant des exposés débat sur le sport : au premier rang, le probablement plus fort de la classe, le plus malin en apparence au moins, me regarde droit dans les yeux « Ah ! Vous voulez nous intéresser ? Ça sera dur. »

Je m’ennuie, parce que c’est mon choix.

8 comments:

Anonymous said...

Lol.

Anonymous said...

En ce qui me concerne, je m'ennuyais moins à l'école quand le prof était passionné que quand il nous parlait de ce qui était censé nous passionner.

Anonymous said...

Vous êtes un ancien professeur de philosophie, et moi un futur (enfin j'espère). Ce commentaire de citation me concerne donc un peu, au moins pour mon avenir.

Je ne crois pas qu'enseigner, passionner les élèves et leur apprendre des choses passionnantes, consiste à s'abaisser sur des sujets médiocres sous prétexte que cela leur plaît. Disserter sur le dernier match de Football ou étudier un texte de Diam's (oui elle revient toujours dans ce genre de sujet...), ce n'est pas faire de la philosophie ou de la littérature. Si l'on est condamné à étudier des oeuvres médiocres sous prétexte que le consumérisme fait aimer aux jeunes des choses médiocres, alors les professeurs ne servent plus à rien, la télévision suffit.

Enseigner, c'est avant tout élever. Le professeur n'est pas supérieur à l'élève, ce n'est qu'un humain. En revanche, il sait plus de chose que lui, et je crois qu'il peut en être fier. Néanmoins, le professeur ne doit pas tirer de ce savoir le pouvoir d'humilier l'élève, il doit au contraire l'élever vers lui, lui donner les moyens d'atteindre les sommets (en philosophie, en littérature comme en sciences etc.), et surtout, le motiver pour ce faire. Le professeur idéal, tel que je le conçois, est une personne qui peut parler avec passion de sa matière, qui parvient à être clair afin de la rendre compréhensible et accessible (sans simplification ou réduction. La clarté ne signifie pas l’imprécision ou la fausseté). Ainsi, par contagion, il rend sa matière passionnante, et motive les élèves à l’écouter et à travailler. De la même façon, il rend ses élèves plus exigeants avec le monde et avec eux-mêmes, et donc plus aptes à apprécier la littérature ou la physique, plutôt qu’à se laisser aller pendant des heures devant une télévision. Cela ne s’apprend malheureusement dans aucun IUFM, et bien peu sont ceux qui ont ce talent (mais heureusement, nous en avons tous connus au cours de notre scolarité).

Jean-Pierre Hamel said...

Cher futur collègue,
j’entends bien votre plaidoyer pour le respect de l’élève et pour le respect des limites en deçà des quelles il ne faudrait pas descendre. Croyez bien que ça n’était pas en cause lors de l’anecdote concernant des exposés, et mais croyez aussi que le sport est un point d’entrée pas plus méprisable qu’un autre pour nombre de notions présentes dans le programme. Le problème est simplement de savoir comment faire du philosophique avec du non philosophique, parce que - en début d’année au moins, vos élèves ne ferons que du non philosophique..
J’ai toujours été sensible au fait que nous ne ferons rien si nous ne prenons pas les élèves là où ils sont et si nous ne cheminons pas avec eux.
Si vous avez la chance d’avoir des élèves comme on en faisait il y a 40 ans - et oui, ils existent encore mais ils sont regroupés dans des réserves appelées « lycées de centre ville » ou quelque chose d’approchant - vous pourrez leur faire signe depuis le point élevé où vous serez perché : agitez un chiffon de la couleur qui vous plaira et guidez les de la voix sur les sentiers escarpés qui mènent jusqu’à vous. Vous aurez des disciples ; vous serez Zarathoustra…
Pour les autres si vous ne les prenez pas par les tripes, vous pourrez espérer au mieux qu’ils apprennent par cœur votre cours de philo.
C’est déjà pas si mal.

Anonymous said...

À aucun moment je ne voulais critiquer votre propre approche de la pédagogie (que je ne peux évidemment pas connaître), et je suis bien d’accord que le sport est une bonne porte d’entrée pour de nombreux thèmes. Je rebondissais simplement sur le problème de l'ennui à l'école, qui selon moi doit se résoudre non au niveau des programmes, mais de la façon de les enseigner (plutôt un prof passionné et passionnant qu'un programme prétendument ludique et en réalité bien vide).

Je suis plus que d'accord avec vous, quand vous dites qu'il est plus aisé d'enseigner à des élèves d'un bon niveau, qui seront plus enclins à venir vers le professeur que l'inverse. Je suis bien conscient qu'il faudra redoubler d'effort pour les élèves des « autres lycées », et c'est précisément ce que j'appelle "élever" et "motiver". Je ne peux donc qu’approuver quand vous dites que nous ne « ferons rien si nous ne prenons pas les élèves là où ils sont et si nous ne cheminons pas avec eux ».

Pour l’anecdote, il m’arrive parfois de passer des nuits blanches à imaginer mon premier cours de philosophie, la manière dont je pourrais présenter la matière. Comment la rendre claire et intéressante, sans jamais tomber dans le pseudo ludique, ni dans le jargonneux. Ainsi, je me mets certes au niveau des élèves, quelque soit leur niveau, mais surtout pas pour y rester, mais au contraire pour les élever. C’est bien sûr un processus dans lequel professeur et élèves agissent en commun. L’échec n’est pas à tout coup la faute de l’un ou de l’autre. Il y a des mauvais professeurs, et des élèves paresseux. L’idéal étant que les bons professeurs motivent ces élèves, mais parfois il n’y a rien à faire (et c’est de l’utopie selon moi que de croire que tous peuvent prétendre à l’excellence, sauf si nous admettons enfin que cette excellence nécessite des efforts, mais c’est un autre débat).

Nous sommes donc globalement d'accord. :)

PS : Pour ce qui est de faire du philosophique avec du non philosophique, je pense que l’on peut, en présentant sa matière, introduire des questionnements simples, accessibles à des non philosophes, pour ensuite monter crescendo. C’est ce qu’a fait mon professeur de philosophie en Terminale (commencer par remettre en cause nos idées reçus, les questionner, et a posteriori je pense que c’était assez judicieux).

PS2 : Je me suis peut-être mal exprimé ici ou dans mon post précédent : par élever, je ne voulais pas dire agiter ce morceau de tissu en haut d’une montagne et attendre patiemment que tous les élèves la gravissent comme ils peuvent. Au contraire, cela consiste plutôt à descendre, donner les outils pour l’ascension, apprendre l’escalade aux élèves puis commencer la montée avec eux.

Jean-Pierre Hamel said...

il m’arrive parfois de passer des nuits blanches à imaginer mon premier cours de philosophie, la manière dont je pourrais présenter la matière
- si j’avais un seul conseil à vous donner,ce serait celui-ci : ne faites surtout pas un cours de présentation de la philosophie (du genre caverne de Platon, ou préface des Principes de Descartes (la métaphore de l’arbre de la science).
Les élèves ont le droit de savoir ce qu’ils vont faire pendant le cours de philo. Oui. Alors prenez plutôt un problème bien saignant, bien actuel ; lancez un échange avec les élèves là dessus et montrez leur - sur cet exemple - comment la philosophie construit un problème, et comment ce problème nous transporte vers d’autres questions.
Avec toute ma sympathie.

Anonymous said...

Oui, j'ai eu l'occasion dans une autre matière d'apprécier une classe (STG pour la citer).

Je crois que la démarche visant à aller les chercher dans leurs mondes (oui oui, le leur qui n'est pas le notre ... deja plus ...) et les amener un peu ailleurs (allez soyons positif : beaucoup) est préférable.

La philosophie je pense laisse, à l'instar du marketing un champ assez vaste d'exemple actuel exploitable. Sans entrer dans le refrain de l'inductif sacro-saint, je dirais qu'il faut deja parler le même langage pour se comprendre.

En effet bien plus qu'avant, nous vivons dans un monde ou même les mass médias nous mettent des batons dans les roues orthographiques. Le développement du sms et des langages connexe (le fameux 1337 d'irc et des communauté mmorpg/counter strike) ainsi que des habitudes de consommation (tout , tout de suite) boulverse un peu les schemes classiques.

Pour le moment encore surveillant, j'ai fais rire les collègiens en leurs expliquant qu'a "mon époque" on enregistrait les musiques en écoutant a partir de la radio pour l'avoir gratos .. .sur des cassettes audios ...

J'suis deja un vieux con ? :(

Jean-Pierre Hamel said...

J'suis deja un vieux con ? :(
- Pas vraiment. A mon avis on le serait seulement si on était satisfait avec ce qu'on a eu, et qu'on dise : "Moi avec mes K7, c'était aussi bien que vous avec votre MP3".
Mais bon, c'est une provc' non ?