Ça m'arrive souvent de ne penser à rien. - - C'est déjà mieux que de ne pas penser du tout.
Raymond Queneau - Pierrot mon ami (1942)
- Dis-moi Minou, à quoi tu penses ?
- A rien.
- Comment ça « à rien » ? Si tu penses, tu penses forcément à quelque chose.
….Tu ne veux pas me dire à quoi tu penses ?
- Mais non, tu sais que je n’ai rien à te cacher.
- Je suis sûre que tu pensais à notre grosse voisine qui oublie de fermer ses rideaux le soir.
- Mais tu n’y es pas du tout, Bonnie. D’ailleurs elle est très moche.
- Je suis sûre que si. Tu n’es qu’un gros dégoûtant.
- Ecoute, Bonnie, parfois tu peux avoir des rêveries, des images mal dégrossies qui passent dans ton esprit sans laisser de traces. Tu penses à tout ça, mais si tu devais dire à quoi tu penses, tu ne saurais pas.
- Moi, Minou, quand je pense, je sais toujours à quoi je pense. Tiens par exemple, je pense à une glace à la fraise dans son cornet de gaufrette : je vois ma langue qui la lèche, je sens le goût de la fraise, j’entends craquer la gaufrette sous mes dents…
Dis-moi, Minou. A quoi tu pensais il y a un instant. S’il te plaît…
- Maintenant que tu m’en parles, je sais à quoi je pensais, Bonnie. Je pensais à toi. Je voyais ma langue…
- Arrête Minou ! J’avais raison : tu n’es qu’un gros dégoûtant.
Finalement, je préfère quand tu penses pas du tout.
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