Savoir pour prévoir, prévoir pour pouvoir.
Auguste Comte (1)
Voilà qui est bien banal et bien évident : la science - au moins depuis le 16ème siècle - se donne pour finalité (en dehors de la recherche fondamentale) non pas la contemplation de l’harmonie du monde (comme chez Aristote), mais bien sa transformation. Agir sur la nature, par la prévision de ses états futurs.
Voici deux exemples qui nous montreront que ce n’est pas si simple :
- La météo nous apprend qu’une dépression arrive et que des orages sont à craindre : alerte orange. Je remets à plus tard ma sortie, ou bien je m’équipe en conséquence. Qu’est-ce que ça change à la nature ? Réponse : rien.
- Je consulte les prévisions électorales avant le second tour des législatives : on m’annonce 500 députés pour le parti du Président. Je modifie mes projets : au lieu d’aller à la pêche à la ligne, je vais voter pour le candidat d’opposition. Qu’est-ce que ça change au résultat de l’élection ? Pas mal de choses.
Les sciences de la nature ne modifient pas leur objets par la connaissance qu’elles en ont (2).
Par contre, les sciences humaines ont ceci de particulier que la connaissance de l’objet étudié (= résultat des élections) suffit à le modifier (comportement électoral) : paradoxe d’une science qui, parce qu’elle est efficace, est en même temps à refaire en permanence.
J’ai connu des marxistes qui soupiraient en disant que si la bourgeoisie avait triomphé du prolétariat, c’est parce que les capitalistes avaient lu Marx et qu’ils ont su adapter leur stratégie pour éviter la révolution prolétarienne que celui-ci avait pronostiquée. D’un point de vue théorique, ce n’est peut-être pas très intéressant, mais d’un point de vue politique, c’est plus instructif.
(1) Certains attribuent la formule à Bacon.
(2) Bien entendu on laisse de côte la physique quantique et le matou de Schrödinger
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