Il n’y a point de bête au monde tant à craindre à l’homme que l’homme.
Montaigne - Essais II, 19
Montaigne a sous les yeux les atrocités des guerres de religions : il sait de quoi il parle lorsqu’il évoque la bête qu’est l’homme. Pour nous, qui vivons dans une époque un peu plus paisible (?), je proposerai de considérer sa citation comme un appel à ne pas transformer l’homme en bête.
Dans le plus solitaire, dans le plus fruste de nos contemporains, redoutons la ruse et la cruauté qui, patiemment accumulées au cours du temps, finissent par exploser en tueries incompréhensibles, dont les Etats-Unis n’ont pas le monopole. Faisons que chacun ait quelque chose à perdre en livrant une guerre à ses semblables..
Holà !! Où je vais, moi ? Ce n’est pas parce qu’on est dimanche (1) qu’il faut faire un sermon : n’est pas Kierkegaard qui veut…
Non, laissons de côté la leçon de morale, et interrogeons-nous sur la détention et la réinsertion des délinquants. Ça au moins c’est clair et actuel : plus de 60000 détenus pour 50000 places en prison, une promiscuité insupportable ; une misère matérielle et morale désespérante… J’entends le citoyen sévère mais juste : « Ces gaillards, ils ont fait ce qu’il faut pour en venir là. Il fallait y penser avant ». C’est oublier un peu vite que les conditions de détention ne font pas partie de la peine, qui est par définition limitée à la privation de liberté. Mais c’est surtout oublier que la prison fabrique des bêtes dont on peut dire qu’il n’y en a point au monde tant à craindre.
Que faire des délinquants ? Je veux dire : ou bien vous leur donnez des conditions d’existence qui leur donne des raisons de vivre paisiblement une fois rendus à la liberté ; ou bien vous en faites des bêtes féroces qui vont utiliser leur intelligence pour vous nuire. Et alors la seule peine valable - hors mis la perpétuité véritable - c’est la peine de mort.
Le projet de loi qui va être débattu à la chambre-bleue portera sur des peines accrues pour les récidivistes ; et c’est normal. Car, plus vous mettez en prison, et plus vous devrez remettre en prison. La récidive est la conséquence habituelle de la sanction.
Réinsertion : telle est l’alternative à la récidive. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire : «Faisons que chacun ait quelque chose à perdre en livrant une guerre à ses semblables »…
Allez en paix, mes bien chers frères.
(1) En plus j’ai pris de retard : on n’est même plus dimanche…
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