Friday, June 22, 2007

Citation du 23 juin 2007

« Être comme il faut.
Règle sans exception. Les hommes dont il ne faut pas ne peuvent jamais être comme il faut. Par conséquent, exclusion, élimination immédiate et sans passe-droit de tous les gens supérieurs. Un homme comme il faut doit être, avant tout, un homme comme tout le monde. Plus on est semblable à tout le monde, plus on est comme il faut. C'est le sacre de la multitude. »

Léon BLOY - Exégèse des lieux communs

On a envie de couper cette citation en deux et de les présenter successivement :

« Les hommes dont il ne faut pas ne peuvent jamais être comme il faut » : voilà, se dit-on la dénonciation de l’exclusion et du mépris envers ceux qui sont différents, du SDF qui est mon frère, de Mouloud, qui est mon semblable (oui, mon frère aussi). Ce sont des gens dont l’exclusion sociale est aussi une condamnation à mort : ils ne devraient pas exister.

« Par conséquent, exclusion, élimination immédiate et sans passe-droit de tous les gens supérieur ». Changement de décor : on n’avait rien compris. Les exclus, ceux que la société vomit, ce ne sont pas les sans-droits, les réfugiés venus d’ailleurs. Ce sont les élites, ceux qui refusent d’entrer dans le moule parce qu’aucun moule ne peut leur convenir.

Bien sûr, il y a des restes de romantisme dans cette attitude qui consiste à nier son échec en l’attribuant à la peur des autres devant le génie incompris. Les poètes maudits, les héros tragiques font partie de cette sphère-là. Mais dans le même temps, il faut un roman comme Les Misérables pour attirer l’attention sur l’injustice sociale ; elle est là, mais personne ne la voit ; les soubrettes qui crachent leurs poumons dans des soupentes pas chauffées, ça fait un opéra « comique ». Nous sommes dans une société qui accepte l’exclusion, parce qu’elle accepte la hiérarchie jusque dans la vie intime : les immeubles Haussmann avec leurs étages pour les maîtres et ceux pour les serviteurs (pas chauffés justement) - et l’entrée de service, à ne pas oublier. Il ne s’agit pas de croire qu’une fois sorti de l’atelier celui qui commande et ceux qui obéissent n’existent plus. Lorsqu’on est dans sa chambre on est encore un maître ou un serviteur.

Et de nos jours, quand on va frapper à la porte - d’une Discothèque, de l’ANPE - on s’aperçoit que si on est arabe - ou noir, ou jaune, ou crépu, ou tanné, …, on n’est vraiment pas comme il faut.

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