Monday, June 25, 2007

Citation du 26 juin 2007

Toute terre est la même à six pieds de profondeur.

Paul Claudel - L'Otage

D’abord, une remarque sur la nature des citations. Certaines citations paraissent si anonymes qu’on ne perd rien à ignorer leur auteur ; d’autres sont tellement solidaires de l’auteur et de l’œuvre dont elles sont extraites qu’on est à peu près sûr de les dénaturer à ne pas en tenir compte. Claudel fait partie de cette seconde catégorie : chaque citation de Claudel est tellement pleine de lui, chacune de ses œuvres est tellement présente dans le moindre de ses fragments, qu’à moins d’avoir le souvenir des émotions qu’il nous y a fait vivre, il est vain de vouloir le citer.

… Et pourtant je m’y risquerai aujourd’hui, avec un fragment exceptionnellement neutre : ça existe tout de même !

Je suis propriétaire de mon jardin. J’y creuse un trou : le fond du trou, il est à moi aussi bien que le reste de mon territoire. Aussi loin que je creuse ce sera la même chose. Mais à quoi bon creuser si au bout d’un certain temps je ne trouve plus aucune raison de persévérer ? Ce qui m’appartient, c’est ce dont je peux faire quelque chose. « A six pieds de profondeur », la Terre n’appartient plus à personne.

Vanité des choses humaines : notre activité bouleverse la Terre entre zéro et six pieds de profondeurs. Voilà tout, et c’est peu.

Est-ce si peu ? On connaît les conflits judéo palestiniens à propose de Jérusalem : les Israéliens prétendent légitimer leur prise de possession de la ville en démontrant, fouilles archéologiques à l’appui, que le sous-sol recèle des vestiges de la présence des Hébreux bien longtemps avant que les Palestiniens n’occupent les lieux. En sorte que le premier occupant, et donc celui qui a des droits sur ce territoire, c’est celui dont la trace est profondément enfouie dans les entrailles de la ville. Entre zéro et six pieds il se passe des choses, peut-être pas essentielles pour notre planète, mais très importantes pour nous.

Mais aujourd’hui, on se sent le besoin de contester la phrase de Claudel d’une autre façon. On a l’impression (mais là encore il faudrait se reporter à son ouvrage) qu’il veut dire que l’activité humaine est dérisoire parce qu’elle se contente de gratter la surface de la Terre. Or tous les écolos vous le diront : le drame, c’est justement que les activités des hommes ont des conséquences sur l’atmosphère - et ce à des altitudes qu’on mesurerait difficilement en pieds - et sur les océans, jusqu’au tréfonds de leurs abysses.

En sorte que si la Terre est partout la même, elle n’est plus la même qu’avant.

4 comments:

Anonymous said...

C'est curieux, au premier abord j'avais compris : peu importe notre patrie, c'est à dire peu importe à quel endroit de la surface de la Terre on habite, quand on finit sous terre les différences de surface qui nous importaient tant ne compte plus du tout.

Anonymous said...

(oups : ne comptent)

Anonymous said...

J'avoue avoir compris moi aussi une fois morts et enterrés tous les humains se ressemblent..
Ou bien tout le monde meurt alors à quoi bon se déchirer puique la terre nous réunit.

Jean-Pierre Hamel said...

Six feet under... Vous avez sans doute raison tous les deux. Mais que j'aie compris cette citation comme je l'ai fait prouve que, sans contexte, les citations servent aussi à retrouver les préoccupations qui sont les nôtres. Une sorte de lieu de projection.