Friday, June 08, 2007

Citation du 9 juin 2007

La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort.

Xavier Bichat - Recherches physiologiques sur la vie et la mort (1800)

Cette formule a été retenue comme une définition du vitalisme : ce qu’elle n’est certes pas (1). Mais Bichat a le mérite de proposer une définition de la vie, ce que la science - à commencer par la biologie justement - nous refuse : on n’étudie plus la vie, mais le vivant (entendez : non plus cette totalité synthétique qu’est la vie, mais les phénomènes qui ont leur siège dans les êtres vivants).

Qu’est-ce que la vie ? Ou plutôt - pour faire plus concret - en perdant la vie, qu’est-ce qu’on perd ? Hé bien Bichat répond.

Bichat répond qu’en perdant la vie, on perd le principe vital. Le principe vital est « l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort » ; il est donc toujours pris dans un rapport de force, dans une lutte contre ce qui peut l’annihiler (le milieu extérieur, ou les dysfonctionnements de l’organisme).

- Chez l’enfant, ce principe est plus fort que les forces à combattre ;

- chez l’adulte il est égal ;

- chez le vieillard, il est plus faible.

En perdant la vie, l’enfant perd plus que le vieillard : on le pensait déjà me direz-vous, parce que l’espérance de vie est plus grande chez l’enfant. Mais on entend souvent par « espérance de vie » une durée de vie statistiquement prévisible. C’est donc une espérance quantitative. Bichat, lui, voit la vie comme une intensité actuelle : elle est plus forte chez le jeune que chez le vieillard. Ce qu’on perd en mourant, c’est précisément cette intensité. On dit que le vieillard s’éteint, comme la chandelle : flamme vacillante, qui n’éclairait déjà plus.

Voilà donc ce que le vitalisme de Bichat nous apprend : en perdant la vie on ne perd pas toujours la même « chose » selon qu’on est jeune ou vieux, en plein essor de vie ou au contraire devenu absolument végétatif. C’est cela que les chrétiens contesteront puisque pour eux l’âme ne se subdivise point, étant de nature divine elle est toujours identique à elle-même, de l’embryon au vieillard Alzheimer.

(1) Le vitalisme est une doctrine philosophique et une théorie scientifique aujourd’hui abandonnée pour la quelle entre l’âme, principe spirituel, et le corps comme agrégat de cellules siège de phénomènes physico-chimiques, il y a une réalité spécifique, la vie dont on ne peut déduire les propriétés des deux domaines précédents. De fait, je crois que Bichat était surtout soucieux de fonder la physiologie en la séparant de la physique.

4 comments:

Anonymous said...

En tant que telle, la citation de Bichat n'est pas une définition du vitalisme, mais Bichat défend bel et bien une conception vitaliste du vivant. C'est d'ailleurs ce que lui reprocheront Lamarck, Auguste Comte et Claude Bernard entre autres.

Anonymous said...

Il me semble avoir entendu dire que dans certaines peuplades, on déplore plus la perte d'un ancien que celle d'un enfant car l'ancien est le dépositaire de la sagesse, du savoir et de la tradition. Son absence laisse la communauté orpheline en quelque sorte.

Jean-Pierre Hamel said...

on déplore plus la perte d'un ancien que celle d'un enfant
Il y a manifestement deux points de vue :
- d’une part celui de l’individu confronté à sa propre mort ; c’était celle que j’avais développé.
- d’autre part celui de la communauté confrontée à la mort d’un de ses membres. Et là évidemment, celui qui disparaît emporte avec lui un capital de connaissances qui peut manquer à la collectivité.
A noter qu’avec l’emballement de l’histoire et des changements, les vieux ne représentent plus grand chose en terme de capital de savoir, tout juste un intérêt affectif.

Anonymous said...

Quel pessimisme ! Les vieux ont aussi un autre rôle : celui de faire les élections. ;)