Wednesday, June 06, 2007

Citation du 7 juin 2007

Le point à queue ne sert d’aultre chose, que de distinguer les dictions, et locutions l’une de l’autre.

Estienne Dolet - La punctuation de la langue Françoise (1540)

Eloge de la virgule.

Elle ne sert d’aultre chose, que de distinguer… Quel mépris pour cette pauvre virgule, qualifiée même de point à queue : comme si elle n’avait pas son rôle et sa spécificité. On la considère donc comme le plus petit signe distinctif, la moindre de toutes les pauses (Littré), une sorte d’atome de ponctuation. Comme si on pouvait l’omettre sans dommage !

Et en effet, voyez les documents officiels dont on nous dit qu’ils sont mis au point, à la virgule près. C’est donc qu’elle compte quand même. Et puis toutes ces phrases à doubles sens dont on ne peut discriminer le sens qu’à la condition de considérer les virgules. Exemple (1):

- Les élèves qui ont fini leur devoir peuvent sortir (entendez : ceux des élèves qui ont fini)

- Les élèves, qui ont fini leur devoir, peuvent sortir (entendez : les élèves ont fini et peuvent sortir).

Alors, on sait qu’à l’époque d’Etienne Dolet c’étaient les typographes qui, la plupart du temps, ponctuaient les textes qu’ils imprimaient. Cela ne signifie nullement qu’elle n’apportait rien au texte, mais seulement que les auteurs laissaient aux imprimeurs la tâche de la mettre en place.

Mais c’est aussi pour moi l’occasion de remettre l’écrit à sa vraie place : qui est celle, irremplaçable, d’expression la plus précise du discours. Comment notre pensée peut-être accéder à la plus grand clarté possible sans la ponctuation ?

Tenez, voici un exemple.


Les grecs ne ponctuaient pas leurs textes, et même l’espace entre les mots et les paragraphes était omis. Voici donc le même texte de Platon, présenté d’abord comme à l’époque (non ce n’est pas l’écriture de Platon, faut pas exagérer), puis mis en forme et ponctué. Vous voyez facilement la différence, même si vous ne comprenez pas le grec (honte à vous !)

Conclusion style vieux ronchon : à l’époque où les SMS réalisent la plupart des contacts écrits, la mise à l’écart de la ponctuation paraît une érosion du sens très dommageable.

D’ailleurs, depuis le début de ce message, des virgules, j’en ai mis 26. A vous, de faire mieux (27…)

(1) Exemple emprunté à Jacques Drillon - Traité de la ponctuation français (Tel/Gallimard)

3 comments:

Anonymous said...

Peut-être je m'avance vers une erreur monumentale, mais la citation ne parle-t-elle pas plus du "point-virgule" que de la "virgule" :s

Jean-Pierre Hamel said...

la citation ne parle-t-elle pas plus du "point-virgule" que de la "virgule"
De la virgule au point virgule, la nuance peut-être mince : « Il s’emploie pour séparer dans une phrase les parties dont une au moins est déjà subdivisée par la virgule, ou encore pour séparer des propositions de même nature qui ont une certaine étendue. » (Grévisse)
Elle peut-être plus significative : « Point et virgule : signe de ponctuation, qu’on emploie pour séparer des membres de phrase subordonnés non grammaticalement, mais logiquement. » (Littré)
Le passage de la virgule au point-virgule est souvent - toujours ? - discutable parce qu’elle repose sur le sens attribué à la phrase, et que ce sens est souvent - toujours ? - équivoque.
Façon de dire que les discussion sur la valeur de la virgule et du point virgule ne sont pas des perversions des affreux sodomiseurs de mouches déjà décriés ici.

Anonymous said...

"Façon de dire que les discussion sur la valeur de la virgule et du point virgule ne sont pas des perversions des affreux sodomiseurs de mouches déjà décriés ici."


Juste Monstre :D

<3