Sunday, November 23, 2008

Citation du 24 novembre 2008


Quoi qu'on fasse d'illustre et de considérable, / Jamais à son sujet un roi n'est redevable.

Corneille – Le Cid

Nous ne sommes point redevables à celui de qui nous recevons un bienfait par contrainte, et on ne nous donne point ce qu'on ne saurait nous refuser.

Corneille – La Place Royale (À Monsieur)

Grandeur et misère de la condition de roi…

Un roi, du fait de sa toute puissance, ne recevra jamais un don. Le plus pauvre de ses sujets lui ne recevra que des dons.

Traduction pour notre époque :

Pour le riche tout s’achète. Pour le pauvre, tout est gratuit. (Voir post du 12 septembre 2008)

N’est-ce pas un peu naïf ? Car on pourrait dire que si le pauvre crève de faim, c’est précisément parce qu’il dépend de la générosité des autres…

On pourrait aussi revenir sur cette difficulté du don, gratuit et pourtant indispensable pour que la vie continue son cours…

Nous nous contenterons de réfléchir aux prolongements socio-politiques de cette situation.

1 – Dans nos sociétés démocratiques bâties sur un contrat social (au minimum une déclaration des droits de l’homme), la générosité est instituée : les pauvres sont à la charge de la communauté qui doit les secourir. Il n’y a donc pas de générosité (au sens moral), pas de charité (au sens religieux). Du moins ce n’est pas la base du lien social.

2 – Justement : le lien social qui ne vient pas de la générosité, d’où vient-il ?

Qu’est-ce qui fait que ma retraite est payée par ceux qui travaillent, que l’impôt des autres serve à payer les soins que je reçois (puisque trou dans la sécu il y a), et que, s’il y a une guerre, des braves jeunes gens vont se faire tuer pour protéger ma maison ? Puisque ce n’est pas un don gratuit, qu’est-ce que c’est ? La contrainte ? L’espoir de réciprocité ? Ceux qui "donnent" le font soit parce qu’ils ont les gendarmes à leur porte ou alors parce qu’ils espèrent bénéficier des mêmes avantages ?

Pour trouver la réponse, on va aller voir chez les grecs :

--> Le roi en grec se dit soit basileus, soit anax. L’anax de l’Iliade n’est pas tout à fait synonyme du basileus : l’anax est bien le roi, mais en tant qu’il rassemble un peuple – ici les Hellènes. Agamemnon est dit « anax » ; Ménélas est simplement « basileus ». Le souverain c’est celui qui rassemble un peuple, comme le berger son troupeau. Réciproquement, un peuple n’existe que quand il est rassemblé par un pouvoir souverain (1). Le peuple est alors appelé « laos » (et pas demos).

--> Dans les démocraties, le peuple est solidaire parce qu’il s’est assemblé dans une volonté unanime de former un tout. C’est ce que rappelle Rousseau dans le Contrat social ; et c’est de cela que découle le lien social qui il est d’abord un lien politique.

Appelons ça la "solidarité"


(1) Façon de dire aussi que le pouvoir souverain est antérieur à un choix du peuple. Voir Agamben - Homo sacer

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