L'étranger
- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? Ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! Qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!
Baudelaire – L'étranger (Petits poèmes en prose, n°1)
J’avoue… Je n’ai pas lu le livre de Françoise Sagan… Je ne m’en fais pas une gloire, mais je n’en rougis pas non plus.
Par contre ignorer ce poème de Baudelaire, ce serait dommage. Je le cite donc in extenso.
Qu’est-ce que nous aimons le plus ? La question est mal posée. Qu’est-ce que nous devrions aimer le plus.
Ce que nous devrions aimer le plus, c’est ce qui reste quand tout est perdu. Ce qui reste, c’est ce dont nous ne manquerons jamais et dont nous ne pourrons pas être dépossédés.
J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages…
Ne haussez pas les épaules, en disant : Qu’est-ce qu’il trouve dans les nuages, ce Baudelaire ? Il avait encore abusé du vin… ou de l’absinthe ? A moins que ce ne soit de substances illicites…
Il est des hommes dont la puissance imaginative ne cesse de produire des formes et des couleurs, qui invente en permanence des histoires et des personnages. Qui n’ont besoin que de la forme d’un nuage pour s’élancer…
Voilà : j’ai en horreur des pays qui n’ont jamais de nuages, où le ciel reste invariablement bleu, où jamais ces formes nébuleuses ne permettront de voir des éléphants ou des crocodiles s’étirer dans le ciel.
Même dans le ciel de la planète Mars, il y a des nuages… Qu’importent qu’ils soient fait de glace ou de Co2 ?
Le bonheur n’est pas seulement dans le pré…
Le ciel de Mars vu par le robot Opportunity
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