Wednesday, December 03, 2008

Citation du 4 décembre 2008


La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple

Karl MARX - Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1843)

La critique religieuse chez Marx passe par son dévoilement en tant que consolation, c'est-à-dire en tant qu’idéologie – comme on pourra le constater grâce à l’extrait du texte d’où provient ce passage.

Marx écrit : la religion … est l’opium du peuple, c'est-à-dire qu’elle est, comme l’opium un calmant destiné à soulager les souffrances – et particulièrement celle du peuple, c'est-à-dire du prolétariat. C’est même en ce sens qu’elle est idéologie, puisqu’elle fait en sorte que les prolétaires acceptent leur conditions de vie inhumaines et injustes, sachant que Dieu pourvoira à rétablir la justice dans l’au-delà.

Alors, certes les bourgeois sont eux aussi aliénés par leur propre idéologie, mais enfin, comme le souligne le début du texte que nous citons en annexe, Marx ne considère pas que l’homme en tant qu’humanité soit le créateur de la religion, mais seulement l’homme engagé dans un processus social donné, et donc aux prises avec l’injustice sociale et l’exploitation historique de l’homme par l’homme. C’est même la raison pour la quelle il croit que la religion disparaîtra d’elle-même dès que l’émancipation sociale des hommes sera réalisée. Comme on sait Staline impatient de voir ce jour arriver (= celui de la disparition de la religion) a fermé les églises pour aller plus vite.

Notre question du jour, c’est : « la religion ne serait-elle pas aussi l’opium de l’humanité ? ». Moyennant quoi, c’est l’homme qui est mortel et qui le sait, qui aurait recours à la religion pour échapper à cette angoisse.

Si nous admettons un instant cette hypothèse, alors la vraie question serait celle-ci : par quel procédé pourrions-nous nous passer de cet opium ?

Cherchez bien, et dites moi ce que vous trouvez. Mais prenez garde à ce que votre substitut ne soit pas plus toxique que la religion elle-même.


Annexe -

Le fondement de la critique irréligieuse est : c'est l'homme qui fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. C'est-à-dire que la religion est la conscience de soi et le sentiment de soi qu'a l'homme qui ne s'est pas encore atteint lui-même, ou bien s'est déjà reperdu. Mais l'homme, ce n'est pas une essence abstraite blottie quelque part hors du monde. L'homme, c'est le monde de l'homme, l'Etat, la société. Cet Etat, cette société produisent la religion, conscience inversée du monde, parce qu'ils sont eux-mêmes un monde à l'envers. La religion est la théorie universelle de ce monde, sa somme encyclo­pédique, sa logique sous forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, le fondement universel de sa consolation et de sa justifica­tion. Elle est la réalisation fantasmagorique de l'essence humaine, parce que l'essence humaine ne possède pas de réalité véritable. Lutter contre la religion, c'est donc indirectement lutter contre le monde dont la religion est l'arôme spirituel.

La détresse religieuse est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, la chaleur d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple.

Abolir la religion en tant que bonheur illusoire du peuple, c'est exiger son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situa­tion, c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d’illusion.

La critique de la religion est donc en germe la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l’auréole.

Karl MARX - Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1843)

4 comments:

Djabx said...

Voilà qui lui aurait sûrement plu à Marx.

Djabx said...

par quel procédé pourrions-nous nous passer de cet opium ?

Et si la solution était justement "l'opium", ou toutes drogues de manière générale.

De plus, cela favoriserai la mortalité et en ces temps de surpopulation ça ne peut-être qu'un avantage.
De plus personne n'ira faire une guerre pour son verre de rouge, ou son rail de coke: donc fini le terrorisme.

J'ai bon ?
:)

Jean-Pierre Hamel said...

Voilà qui lui aurait sûrement plu à Marx.

Tout à fait intéressant : comme on ne peut canoniser un homme que quand il fait un miracle, disons que le miracle accompli par Staline a été de rendre redoutable l'URSS.

Jean-Pierre Hamel said...

Et si la solution était justement "l'opium", ou toutes drogues de manière générale.


Oui, moi j’attends de voir ce qui va se passer quand les spécialistes du cerveau vont trouver le moyen de stimuler les zones cérébrales responsables du sentiment de jouissance - les zones où s’effectue la « récompense » - et de les stimuler sans dommage pour l’organisme.
Car alors on pourra se droguer rien qu’en appuyant sur un bouton relié à une électrode dans notre cerveau, et cela sans aucun effet secondaire – contrairement à la drogue.
Et alors, ce qui n’aura plus aucune importance pour nous, c’est la réalité…
Et il faudra quelqu’un – comme un Big Brother – pour nous dispenser de nous en soucier.

J'ai bon ?
Je ne sais pas, en tout cas, voilà un sujet de roman de science fiction, si le cœur vous en dit…