Pour Testut (1), si les femmes aisées des villes ont
moins d’aptitude à l’allaitement, l’éducation intellectuelle en est la
cause ; elle dérive vers le cerveau une partie des éléments destinés au
développement des organes génitaux et de ses annexes. D’autre part, quand plusieurs
générations de femmes ne nourrissent pas, les seins s’atrophient.
Dr Galtier-Boissière
– Pour élever les nourrissons (1907)
Ce Traité médical et hygiénique a un siècle. On est
confondu de constater que ces préjugés qui semblent sortis du moyen-âge
sont énoncés ici, en 1907, par un médecin, et présentés avec la caution de la
science.
1 – Thèse 1 : L’activité intellectuelle sous
alimente les organes génitaux en suralimentant le cerveau. Nous aurons
l’occasion de revenir demain sur l’aspect psychanalytique de cette affirmation.
On se place ici uniquement au plan physiologique : le cerveau et les
organes génitaux ont le même aliment. Les quel ? Je ne sais pas
trop : le sang ou quelque mystérieuse énergie circulant dans le corps. En
tout cas les femmes se dénaturent à cultiver leur intelligence, parce qu’elles
deviennent ainsi impropre à la procréation et à l’allaitement. Il est bon que les
femmes ne soient pas savantes : Molière n’est pas loin.
2 – Thèse 2 : Quand
plusieurs générations de femmes ne nourrissent pas, les seins s’atrophient. Alors ça, c’est encore plus
fort ! On croyait avec la dénonciation des femmes savantes avoir
suffisamment régressé comme ça, mais nous voilà renvoyé à l’hérédité des
caractères acquis : les habitudes contractées par x générations deviennent des caractères héréditaires à la
génération d’après. Il est vrai que Lamarck qui croyait à cette hérédité qui va
des caractères acquis par l’individu à l’hérédité des caractères génériques de l’espèce
avait publié sa Philosophie zoologique
en1809, soit juste un siècle avant le texte qui nous occupe.
--> Mais en réalité notre étonnement vient de ce que
ces deux thèses s’articulent : l’activité cérébrale atrophie les
seins ; cette atrophie répétée sur plusieurs générations devient
héréditaire. Autrement dit, plusieurs génération de Curie – Marie, et puis
Irène, et puis encore une ou deux comme ça – et voilà que la petite Curie qui viendrait
au monde après elles, serait, devenue adulte, plate comme une planche à pain
quand bien même elle serait une bergère illettrée.
Et les hommes
alors ? Réponse demain.
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(1) Testut (1849-1925), médecin anatomiste français.
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