Wednesday, August 01, 2012

Citation du 2 août 2012


Chacun tourne en réalités, / Autant qu'il peut, ses propres songes : / L'homme est de glace aux vérités ; / Il est de feu pour les mensonges.
La morale de la fable vaut parfois mieux que la fable elle-même. Qu’on me pardonne si je dis que c’est le cas pour celle-ci. En tout cas, je ne retiendrai de l’apologue du statuaire, qui, comme Pygmalion, succomba aux émois suscités par la statue qu’il venait de créer, que l’idée exposée ici : les mensonges ont plus de force que les vérités, parce que si la vérité est taillée aux dimensions de la réalité, les mensonges, eux, sont  moulés sur nos fantasmes.
On rappellera que les démocraties fonctionnent avec de tels principes : les élus sont portés au pouvoir sur un programme qui doit être l’expression de nos désirs – et tant pis si pour cela il a fallu mentir au peuple, parce que c’est cela qu’il voulait entendre.
Mais, s’en tenir à ce constat est un peu étriqué. En réalité, c’est une expression de la vie politique dans son ensemble. Lorsque le peuple accourt applaudir le tyran, lorsqu’il  ne lui résiste pas – alors qu’il le pourrait, lorsqu’il va pleurer sur sa tombe ou se réjouir à ses fêtes – qui pourtant lui ôtent le pain de la bouche, c’est exactement le même mécanisme. Le mensonge est rêve, et le rêve fait en nous brûler la passion. La Boétie disait que le peuple se soumettait au tyran non par lâcheté mais par plaisir. C’est vrai et c’est faux en même temps. Car le masochisme est une dimension de la psychologie individuelle et non collective. Par contre, il peut se faire que tous les hommes aient les mêmes désirs, et que ces désirs soient comblés par les promesses incarnés par le tyran.
Et quant aux mensonges désirés se joint un menteur adoré, l’engouement devient culte : c’est ainsi que les argentins ont fait d’Evita une véritable déesse.

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