Sunday, August 19, 2012

Citation du 20 août 2012


Le maître ne nous apprend rien d'autre que ceci, qu'il faut que chacun soit son propre maître, ce qui fait tous les hommes égaux.
Alain –  Propos du 24 juin 1933
Ce Propos d’Alain (à lire ici) parait confondant de naïveté : comment pouvait-on en 1933 parler du  triomphe  de l’amour universel ? Mais ce n’est pas cela qui nous retiendra aujourd’hui : c’est ce principe que la maitrise suffit à établir l’égalité.
Que n’a-t-on dit sur l’exigence de l’égalité Républicaine ! Qu’elle impliquait que tous soient identiques : danger ! Qu’on voulait en l’établissant gommer les inégalités naturelles : utopie !
Pour Alain, seuls les maitres sont égaux entre eux ; il pose un principe qui à première vue n’est autre que celui de l’Anarchie : Ni Dieu ni Maitre – ou bien alors que chacun soit son propre maitre. Avec pour conséquence celle-ci, que l’Anarchie là encore nous enseigne : l’individu est l’alpha et l’oméga de la société, et donc celle-ci ne peut jamais être plus qu’une association d’individus libres et égaux en droit et en pouvoir.
Dans son Propos du 24 juin 1933, Alain n’ajoute rien de plus à ce principe. Libre à nous de rappeler que chez lui le moraliste cartésien n’est jamais bien loin.
--> Etre son propre maitre, ce n’est pas seulement être indépendant de la volonté d’autrui ;  c’est aussi être maitre de soi, et donc avoir dompté la bête qui est en nous. Non pas la bête « bestiale » mais la bête qui bondit, qui sursaute, qui tremble à l’occasion : Tu trembles, carcasse ! C’est de notre propre corps qu’il s’agit.
On dira qu’on ne peut pas dompter notre corps et que, quand il souffre, on ne peut l’oublier  - Montaigne en témoigne ; et quand il est en colère, on est comme Achille en fureur sous sa tente. En réalité, être son propre maitre suppose qu’on ait établi une cloison suffisamment étanche entre ce que fait notre esprit et ce qui se passe dans notre corps : que nos passions ne soient plus les passions « de l’âme », mais simplement des sursauts du corps. C’est le message du stoïcisme.
J’avoue ne pas être absolument fan de cette conception, qui, en établissant une muraille de Chine entre nos passions et nous, prétend désincarner notre esprit, faire que nos élans affectifs soient filtrés, sinon écartés de notre chemin. C’est trop souvent la leçon que nous donnons aux autres mais que nous ne suivons pas nous-mêmes.
Et puis, sans l’élan de la passion – de l’amour ou de la haine – ferions-nous seulement quelque chose ?

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