Ordinairement, un homme qui ne parle pas ne pense pas. Je
parle de celui qui n'a pas de raisons pour ne pas parler. Chacun est bien aise
de mettre au jour ce qu'il croit avoir bien pensé ; les hommes sont faits comme
cela.
Montesquieu – Mes
pensées 1746
Un homme qui ne
parle pas ne pense pas. La réciproque est hélas moins vraie ! On sait
combien il est irritant d’entendre parler – pérorer – des gens qui n’ont rien à
dire. Il suffit d’ouvrir son poste de radio à l’heure des « coups-de-gueule » et des « et-vous-qu’en-pensez-vous-? » :
à devenir ou neurasthénique ou misanthrope. A éviter.
Plus original est le message de Montesquieu : Je parle, dit-il, de celui qui n'a pas de raisons pour ne pas parler – autrement dit,
celui qui pense, et donc qui a quelque chose à dire.
Justement : suffit-il d’avoir quelque chose à dire
pour le dire ? Ne faut-il pas une raison de plus ?
Chacun est bien
aise de mettre au jour ce qu'il croit avoir bien pensé (...). Voilà
l’essentiel : on pourrait très bien se contenter de penser quelque chose
et de se dire « Voilà : c’est bien pensé. » Mais non !
Il faut incontinent courir, trouver quelqu’un qu’on va tirer par la
manche : « Ecoute, écoute ce que je viens de penser : n’est-ce
pas que c’est bien pensé ? »
Il peut même se faire qu’on n’agisse pas pour demander un
avis ni même un assentiment. On veut comme on dit « partager », faire
« circuler » ou – au moins – « communiquer ». Et si on n’a
personne sous la main, on a encore les possibilités du Web 2.0 : ces
messages de Blog, de Twitter, ne sont-ils pas autant de bouteilles à la
mer ? (1)
Moi-même, ne suis-je pas comme le naufragé qui jette
chaque jour à la mer son message dans une bouteille (dites donc il en faut des
bouteilles !) : il lui suffit d’imaginer qu’il sera recueilli et lu
par quelqu’un, un jour quelconque.
Mais après tout, pourquoi s’en désoler ? Les hommes sont faits comme cela.
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(1) Bouteilles à la
mer… Notons que les « twitteurs » utilisent de toutes petites
bouteilles (140 signes) : c’est plus vite lu. Tant mieux ! Sauf que
les spécialistes de la com’ expliquent aux politiques et autres décideurs que
leurs principes moraux, économiques, comportementaux – que sais-je
encore ? – que ces principes donc, doivent être « twittables », c’est-à-dire qu’on
doit pouvoir les enfermer dans ces petites bouteilles. On revient donc aux
aphorismes. Ça ouvre une belle carrière aux commentateurs comme moi.
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